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Les salariés protégés, privés de départ volontaire ?

Le recours au volontariat, dans les plans de licenciement collectifs est de plus en plus fréquent.

Ce mode de rupture autonome du contrat de travail présente de nombreux avantages, lorsqu’il se déroule dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, puisqu’il permet notamment de libérer des postes, ce qui favorise le reclassement d’autres salariés.

D’un point de vue psychologique, le volontariat n’a pas non plus la même signification que le licenciement. Dans le volontariat, le salarié est acteur de son départ, il ne subit pas la décision de l’employeur, mais il l’organise, à l’inverse du licenciement.

Au plan financier, cette mesure présente aussi des avantages, puisque les salariés bénéficient des mesures du plan, et peuvent s’inscrire comme demandeurs d’emplois pour bénéficier de l’assurance chômage.

Au plan juridique, le départ volontaire n’est ni une démission, ni une rupture du contrat de travail d’un commun accord, ni, évidemment un licenciement.

Ceci dit, en pratique, la question qui se pose est de savoir si un salarié protégé, dont le contrat de travail ne peut être rompu qu’après autorisation de l’inspection du travail peut lui aussi, bénéficier des mesures de volontariat dans le cadre d’un plan social.

Autrement dit, la question qui se pose est de savoir si un salarié protégé peut valablement voir son contrat résilié, par l’effet du volontariat – soumis bien entendu à l’autorisation de l’inspection du travail.

Il semblerait que sur ce point, la question n’ait jamais été clairement tranchée par nos juridictions.

Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 mars 2007, confirmant d’ailleurs un arrêt rendu le 22 février 2006 sur la question du départ volontaire des salariés protégés, la Chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé :

« Attendu que, dès lors que l’inspecteur du travail a autorisé la rupture pour motif économique, le contrat de travail d’un salarié investi d’un mandat représentatif peut être résilié amiablement dans le cadre d’un accord collectif mis en œuvre après consultation du comité d’entreprise ; que la cour d’appel qui a constaté que le départ de Mme X… s’inscrivait dans le cadre défini par un accord collectif soumis au comité d’entreprise et qu’il avait été préalablement autorisé par l’inspecteur du travail, en a exactement déduit que la convention conclue à cette fin par l’employeur n’était pas atteinte de nullité »

En l’espèce, l’accord collectif avait été passé concernant le dispositif de préretraite auquel la salariée en question avait adhéré, se portant ainsi candidate au départ volontaire.

L’arrêt ainsi rendu affirme donc que cette résiliation amiable du contrat de travail d’une salariée protégée est possible, dans le cadre d’un accord collectif prévoyant des départs volontaires, mis en œuvre après consultation du Comité d’entreprise.

Est – ce à dire que le seul cas où un inspecteur du travail pourra autoriser le départ volontaire d’un salarié protégé est celui d’une entreprise ayant prévu cette hypothèse dans un accord collectif ?

Un Plan de Sauvegarde de l’emploi, incluant de telles mesures de volontariat – qui par définition s’appliquent à tous les salariés à condition de remplir les critères définis dans le PSE, ne peut –il avoir le même effet juridique qu’un accord d’entreprise, sur ce point précis ?

La question demeure entièrement ouverte, puisque l’arrêt du 27 mars 2007 précité ne pose pas la conclusion d’accord collectif comme condition générale préalable pour permettre ce type de rupture du contrat de travail.

En effet, un des commentateurs de l’arrêt rendu observe que : « A notre avis, cette jurisprudence est susceptible d’être étendue à toutes formes de résiliation amiable ou d’un commun accord du contrat de travail liées à un motif économique, par suite de l’adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé, à un contrat de transition professionnelle ou à un congé de mobilité. » (Commentaire Jean-Yves Kerbrouc’h, professeur à l’Université de Haute Alsace, sous Soc, 27 mars 2007, in JCP E, n°47, 22 novembre 2007, 2439)

On ne peut qu’admettre ici le raisonnement de cet auteur.

L’arrêt du 27 mars 2007 rendu par la Cour de Cassation confirme la position prise par la même chambre de la Cour de cassation, le 22 février 2006, arrêt dans lequel la Cour posait que :

« La rupture d’un contrat de travail pour motif économique peut résulter d’un départ volontaire dans le cadre d’un accord collectif mis en œuvre après consultation du comité d’entreprise, que cette rupture constitue une rupture amiable du contrat de travail ;
D’où il suit que la cour d’appel qui a décidé que la rupture du contrat de travail de la salariée constituait une rupture amiable, autorisée par l’inspecteur du travail, et non un licenciement pour motif économique mis en œuvre sans qu’un plan social ait été élaboré, a légalement justifié sa décision. »

Cet arrêt emporte deux conséquences :

– le contrat de travail d’un salarié protégé peut être rompu suite à une demande de départ volontaire dans le cadre d’un accord collectif mis en œuvre après consultation du comité d’entreprise, et cette rupture constitue une rupture amiable du contrat de travail,

– en toute hypothèse, la rupture ainsi opérée ne peut être mise en œuvre que si l’inspecteur du travail l’autorise : ceci implique de suivre la procédure applicable en matière de licenciement d’un salarié protégé

Ces deux arrêts ne disent cependant en aucun cas que l’existence d’un accord collectif prévoyant les départs volontaires conditionnerait la validité de ce procédé de rupture du contrat de travail, pour les salariés protégés.

En effet, dans les cas d’espèces objet des arrêts rendus par la Cour de cassation et cités ci-dessus, les départs volontaires procédaient d’accords collectifs en prévoyant les modalités. Cette hypothèse se rencontre notamment en présence d’un accord de GPEC.

Toutefois, le départ volontaire est également un mode de rupture amiable connu dans le cadre des Plans de Sauvegarde de l’Emploi, le critère essentiel consistant à déterminer si le départ ainsi organisé procède d’un motif économique, et non de savoir par quelle voie ce départ a été organisé.

Pourtant on constate en pratique, la réticence de certains inspecteurs du travail à autoriser de tels départs volontaires, dans le cadre de PSE, au motif qu’il n’existerait pas d’accords collectifs signés dans l’entreprise, prévoyant de telles hypothèses.

Cette position restrictive peut se comprendre, en raison des impératifs de sécurité juridique qui guident les décisions ainsi prises par les inspecteurs du travail, mais au plan juridique, il semblerait cependant que rien ne s’oppose à l’autorisation de départ volontaire des salariés protégés.

La Cour d’appel de Paris a d’ailleurs eu l’occasion de trancher des litiges relatifs aux départs volontaires de salariés suite à la présentation d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi.

Dans un arrêt rendu le 12 septembre 2006 la Cour relatait ainsi la procédure suivie :

« Un plan social prévoyant divers départs volontaires a été mis en place en 1997 et communiqué à l’ensemble du personnel le 3 février 1997.

Le 5 février 1997 Filoména PEPE ESPOSITO a déclaré souscrire au départ volontaire ; le 10 mars 1997 elle a été convoquée à la
réunion du 13 mars 1997 au cours de laquelle le comité d’entreprise a donné son avis sur son départ.

Le 27 mars 1997, la BCG aux droits de laquelle vient la S.A FINAREF demande l’autorisation de l’inspecteur du travail qui l’accorde le 9 juin 1997.

Le licenciement est prononcé par lettre du 17 juin 1997 et au terme de son préavis de deux mois, elle a reçu diverses sommes au titre de salaires et primes et congés payés donnant lieu à un premier reçu pour solde de tout compte et diverses autres sommes… »

Il semble bien ressortir des constatations de cet arrêt que la rupture du contrat de travail du salarié protégé, à la suite d’une candidature au départ volontaire acceptée par l’employeur est parfaitement possible, et s’accompagne nécessairement d’une demande d’autorisation à l’inspecteur du travail.

Il serait cependant fort utile de voir trancher définitivement cette question par la Cour de Cassation afin d’éviter toute insécurité juridique lorsque de telles procédures sont mises en œuvre dans l’entreprise.


Nathalie Cazeau

Avocat Associé