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La base d’exploitation et le rattachement des salariés au territoire national : Une notion extensive ?

Est-ce que la base d’exploitation est une notion extensive, permettant le rattachement des salariés de compagnies aériennes étrangères sur le sol Français, quasiment en toutes circonstances ?

 

 

 C’est la question  qu’on peut se poser, si l’on constate certaines tendances en ce sens, développées par les autorités compétentes, lors de contrôles sur le territoire Français.

 

Qu’on en juge, les données sont les suivantes :

 

L’article L 1262-3 du code du travail (ancien article L 342-4 dudit Code) dispose :

 

«  Un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés, lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire national ou lorsqu’elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures situées sur le territoire national à partir desquels elle est exercée de façon habituelle stable et continue. Il ne peut notamment se prévaloir de ces dispositions lorsque son activité comporte la recherche et la prospection d’une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire. Dans ces situations, l’employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire national. »

 

 

Qu’en est il pour les activités des compagnies aériennes, exerçant dans le domaine de la location de jets privés, – c’est  à dire, n’ayant pas à proprement parler d’infrastructures en France, ni de planning de vols à horaires fixes et réguliers sur l’année ?

 

Dès lors qu’avec les moyens actuels de l’informatique et d’internet, les structures permettant la prise de commandes et leur organisation, sont le plus souvent dématérialisées, la localisation sur un territoire donné de façon fixe, devenant souvent l’exception, comment peut on appliquer ces critères de rattachement au territoire national, sans commettre d’erreur d’appréciation ?

 

La question est d’autant plus délicate, que l’article R 330-2-1 du Code de l’aviation Civile issu du décret du 21 novembre 2006, n’est pas d’une grande utilité pour résoudre la problématique.

 

En effet, cet article dispose :

 

« Art. R. 330-2-1. – L’article L. 342-4 du code du travail (aujourd’hui L 1262-3)  est applicable aux entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d’exploitation situées sur le territoire français.

Une base d’exploitation est un ensemble de locaux ou d’infrastructures à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle. Au sens des dispositions qui précèdent, le centre de l’activité professionnelle d’un salarié est le lieu où, de façon habituelle, il travaille ou celui où il prend son service et retourne après l’accomplissement de sa mission. »

 

 Revenons donc à l’exemple de la compagnie de location de jets privés, dont les aéronefs assurent des vols  de façon irrégulière sur le territoire Français.

 

Par définition, cette compagnie n’a pas de programmes de vols établis sur l’année, puisque ses activités sont par essence, irrégulières, les commandes et réservations de vols étant le plus souvent transmis au coup par coup au travers d’intermédiaires, qui travaillent sur internet est assurent la
fonction de «  brooker ».

 

Cette volatilité entraîne une autre conséquence : Ces compagnies n’ont bien sûr, pas de structures sur le territoire National pour la bonne et simple raison qu’elles n’y sont pas établies.

 

Si leurs aéronefs sont donc amenés à stationner par périodes assez régulières sur le territoire Français, ce n’est pas parce qu’elles y sont établies au sens structurel du terme , mais parce que la compagnie a reçu, pendant un certain laps de temps, diverses commandes, pour assurer leurs prestations depuis le sol Français.

 

Ces critères suffisent –ils à considérer que les salariés étrangers qui travaillent pour ces compagnies, et prennent leur service en France sur des périodes assez régulières, doivent relever des dispositions du code du travail Français ?

 

A en lire les textes précités, rien n’est moins sûr.

 

 

En effet, et en cas de contrôle, quels critères doivent être vérifiés, pour déterminer si une entreprise de ce type relève ou non du code du travail Français ?

 

 

Il faudra vérifier en premier lieu si l’entreprise possède  ce que le code de l’aviation civile définit par «  une base d’exploitation » en France.

 

Quels sont les critères à relever au sens de l’article R 330-2-1 précité ?

 

1 – « l’existence de locaux ou d’infrastructures  à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue, une activité de transport aérien ».

 

S’agissant de compagnies de location de jets privés, exerçant depuis un autre pays de la CEE, par exemple, et n’ayant aucune infrastructure en France, le critère n’est pas rempli.

 

En outre, il sera fait observer, encore une fois, qu’à l’heure du télétravail, et de la dématérialisation des structures de plus en plus fréquentes, un tel critère devrait certainement être revu, et corrigé, pour s’adapter au monde actuel. Une entreprise peut parfaitement avoir une activité sur internet, sans pour autant posséder d’infrastructures en France, et y exercer pourtant une activité bien réelle.

 

2- « Des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle. Au sens des dispositions qui précèdent, le centre de l’activité professionnelle d’un salarié est le lieu où, de façon habituelle, il travaille ou celui où il prend son service et retourne après l’accomplissement de sa mission »

 

 

Là encore, force est de constater que le critère n’est pas très adapté au cas de compagnies de jets privés, dont les salariés ne travaillent jamais de façon habituelle sur le même site , puisque leur programme de vol est par définition variable,  ni d’ailleurs. En outre, qu’entend – on par «  habituelle » ? Est-ce que cela signifie un délai de plusieurs mois ? Est-ce que l’appréciation du critère n’est pas là totalement subjectif, donnant lieu à une certaine insécurité juridique ?

 

En outre, s’agissant de la notion de prise de service, et de retour après l’accomplissement de sa mission,  là encore, des difficultés d’appréciation apparaissent.

 

La jurisprudence a déjà eu à connaître de ces questions.

 

 

 

 

 Ainsi dans un arrêt rendu le 11 juillet 2007, le Conseil d’Etat, sur demandes formulées par les compagnies EASYJET et RYANAIR, qui employaient sous droit irlandais du personnel navigant assurant des liaisons au départ et à l’arrivée d’aéroports français, a considéré, s’agissant du décret précité :

 

« Considérant qu’il ressort de ses termes mêmes que l’article R. 330-2-1 du Code de l’aviation civile se borne à rappeler qu’en vertu de l’article L. 342-4 du Code du travail les salariés travaillant de manière habituelle dans les locaux ou infrastructures à partir desquels les entreprises de transport aérien exercent de façon stable, habituelle et continue leur activité sur le territoire français sont soumis au Code du travail ; que, ce faisant, l’article R. 330-2-1 du Code de l’aviation civile explicite la portée de l’article L. 342-4 du Code du travail dans le secteur du transport aérien, sans y ajouter ; qu’ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l’article 1er du décret attaqué enfreindrait ce dernier article ;

 

 Considérant qu’il résulte des dispositions des articles 52 et 59 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenus respectivement les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu’interprétées de manière constante par la Cour de justice des Communautés européennes, qu’une entreprise d’un État membre qui maintient, dans un autre État membre, une présence permanente, y compris par le moyen d’un simple bureau géré par son personnel ou d’une personne indépendante mandatée par elle pour agir en permanence pour son compte comme le ferait une agence, relève des règles relatives au droit d’établissement et que la liberté de prestation des services garantie par le traité ne fait pas obstacle à ce qu’un État membre prenne les dispositions permettant d’éviter qu’un prestataire de services utilise cette liberté en vue de réaliser une activité entièrement et principalement tournée vers son territoire, de manière à se soustraire aux règles professionnelles qui lui seraient applicables s’il y était établi, une telle situation relevant au contraire des règles relatives au droit d’établissement ; qu’ainsi, en prévoyant que les dispositions relatives au détachement transnational de travailleurs ne sont pas applicables aux entreprises d’un autre État membre dont l’activité est entièrement orientée vers le territoire français ou est réalisée de façon stable, habituelle et continue dans des locaux ou avec des infrastructures situés sur ce territoire, l’article L. 342-4 du Code du travail n’a pas méconnu les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne ni, par voie de conséquence, ainsi que le soutient la société Ryanair, les dispositions du règlement (CEE) n° 407/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les licences des transporteurs aériens et celles du règlement (CEE) n° 2408/92 du 23 juillet 1992 concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux invoqués ci-dessus, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l’article L. 342-4 du Code du travail méconnaîtrait les dispositions de l’article 10 du traité instituant la Communauté européenne, relatives à la coopération loyale entre les États membres et les institutions de la Communauté, et de l’article 12 du même traité, relatives au principe de non-discrimination selon la nationalité ; que la seule circonstance que l’entrée en vigueur de l’article L. 342-4 modifie la situation des sociétés requérantes n’est pas de nature à faire regarder cet article comme contraire au principe de sécurité juridique ou au principe de confiance légitime ;

 

Considérant que les dispositions de l’article L. 342-4 du Code du travail ont pour seul objet de rappeler qu’en dehors des cas prévus aux articles L. 342-1 à L. 342-3 du même code, pris pour la transposition de la directive n° 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, le Code du travail s’applique aux entreprises établies en France ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sauraient utilement se prévaloir à leur encontre des dispositions de la directive, dont elles n’assurent pas la transposition ;

 

Considérant que les dispositions de l’article L. 342-4 du Code du travail ne fixent pas non plus de règles de conflits de lois ; que, par suite, les sociétés requérantes ne peuvent utilement se prévaloir à leur encontre des stipulations de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, signée le 19 juin 1980, qui s’applique uniquement aux situations de conflits de lois en vertu du paragraphe 1 de son article 1er ;

 

Considérant que l’article L. 342-4 du Code du travail, relatif aux règles de droit du travail applicables aux salariés en cas de détachement, ne relève pas du champ d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté ; qu’ainsi, la société Easy Jet ne saurait utilement s’en prévaloir ; »

 

Cette décision conduit à considérer :

 

– que le point de savoir si le droit français du travail doit ou non s’appliquer aux rapports entre un salarié et une société étrangère ne dépend pas des règles de conflit de loi applicables aux obligations contractuelles établies par le droit communautaire

 

– que, pour déterminer si une société est établie en FRANCE il convient de s’interroger, s’agissant des compagnies aériennes dont l’activité est par essence mobile, sur le point de savoir si la société en question dispose d’un établissement au sens du droit français, et que cette question doit être réglée par référence aux dispositions de l’article R. 330-2-1 précité du  Code de l’aviation civile.

 

– que les règles communautaires relatives au détachement de salariés dans des pays membres de l’Union ne font pas obstacle à l’application pure et simple du droit français aux entreprises visées par les articles R. 330-2-1 du Code de l’aviation civile et L1262-3 du Code du travail, entreprises « dont l’activité est entièrement orientée vers le territoire français ou est réalisée de façon stable, habituelle et continue dans des locaux ou avec des infrastructures établies sur le territoire à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue  ».

 

 

Cette jurisprudence ne règle pas pour autant, à notre avis, le cas d’entreprises ayant une activité occasionnelle sur le territoire Français, exercée depuis un autre état membre, et ne disposant pas d’infrastructures sur le sol Français.

 

La situation est d’autant plus problématique que le personnel naviguant reçoit ses ordres dans son pays d’origine et non en France, et prend son service en France, après s’être fait transporté par la compagnie sur son lieu de travail la société prenant à sa charge le déplacement du personnel naviguant  depuis les destinations d’arrivées vers leur résidence, à l’issue de leurs missions.

 

Le réponse est peut être à chercher du côté du droit Européen :

 

 

Récemment, un député européen s’est adressé à la Commission en vue d’obtenir des précisions sur cette question de l’application du droit français.

 

Ce député demandait à la Commission d’apporter ses observations sur la question suivante :

 

« La compagni
e aérienne irlandaise Ryanair a fait part de sa volonté de quitter l’aéroport de Marseille pour repositionner ses avions dans un autre pays européen. Elle agit en représailles aux poursuites judiciaires dont elle fait l’objet en France, notamment pour travail dissimulé (120 salariés basés à Marseille sont sous contrat irlandais, comme c’est le cas pour tous les autres salariés de la compagnie).

 

Les services de transport étant exclus du champ d’application de la directive «Services», les compagnies aériennes restent régies par leur droit national et par la directive 96/71/CE sur le détachement des travailleurs, selon laquelle le principe des règles du pays d’origine s’applique.

 

Le secteur aérien est néanmoins un secteur très spécifique: en effet, si les personnels navigants sont mobiles par définition puisque leur lieu de travail est l’espace aérien international, ils peuvent, dans le même temps, être établis en permanence dans un État membre de l’Union qui n’est pas forcément le même que celui dans lequel leur compagnie possède son siège. Peut-on alors continuer de parler de détachement des travailleurs du fait de cette spécificité propre aux personnels navigants évoluant dans l’espace aérien?

 

Le secteur aérien, et notamment le secteur du low cost, étant un secteur en forte expansion au sein de l’Union européenne, il est primordial que la législation européenne évolue sur ce point.

 

Les personnels navigants opérant dans l’espace aérien mais résidant en permanence dans un État membre relèvent-ils encore de la directive détachement des travailleurs?

 

Dans la négative, en cas de vide juridique pour ces cas spécifiques, les États membres restent-ils libres de légiférer?

 

Que compte faire la Commission pour éliminer des zones grises qui subsistent dans la législation européenne à ce sujet? »*

 

La réponse formulée au nom de la Commission à cette question, le 15 novembre 2010, était la suivante :

« La directive 96/71/CE(1) concernant le détachement de travailleurs s’applique aux salariés temporairement détachés dans un État membre autre que celui dans lequel ils travaillent habituellement.

En l’occurrence, il semble que les employés de Ryanair auxquels l’Honorable Parlementaire fait référence soient basés à Marseille et travaillent (habituellement) à partir de cette ville. À ce titre, ils ne peuvent être considérés comme des travailleurs détachés d’Irlande en France et leur situation ne relève pas de la directive 96/71/CE. Cela n’enlève rien au fait que cette dernière pourrait s’appliquer à leurs activités s’ils étaient affectés dans un autre État membre depuis la France.

Par ailleurs, cette question de l’applicabilité de la directive sur le détachement des travailleurs doit être distinguée d’une autre, qui est de savoir de quelle législation relève le contrat de travail en pareille situation. À cet égard, le règlement (CE) no 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles(2) établit qu’un salarié ne peut être privé du bénéfice des dispositions obligatoires que lui accorde l’État membre dans lequel ou à partir duquel il accomplit habituellement son travail (article 8).

Dans le cas particulier du personnel navigant, ces dispositions apportent des garanties supplémentaires aux salariés, en particulier dans le secteur de l’aviation, indépendamment de la législation du pays où ils ont été recrutés. Il peut cependant s’avérer difficile de déterminer avec précision le lieu où le personnel navigant accomplit son travail; cette question doit être examinée au cas par cas en fonction de tous les éléments propres à chaque situation. Il convient également de noter que le règlement (CE) no 1899/2006(3), qui dispose que chaque transporteur aérien doit désigner une base d’affectation(4) pour chaque membre d’équipage, peut contribuer à déterminer le lieu dans lequel ou à partir duquel un salarié travaille habituellement.

(1) Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, JO L 18 du 21.1.1997.(2) Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles (Rome I), JO L 117 du 4.7.2008, entré en vigueur le 17 décembre 2009 et applicable à tous les contrats de travail conclus après cette date.(3) Règlement (CE) n° 1899/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 modifiant le règlement (CEE) n° 3922/91 du Conseil relatif à l’harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l’aviation civile, JO L 377 du 27.12.2006.(4) On entend par base d’affectation «Le lieu désigné par l’exploitant pour le membre d’équipage, où celui-ci commence et termine normalement un temps de service ou une série de temps de service et où, dans des circonstances normales, l’exploitant n’est pas tenu de loger ce membre d’équipage
». »

 

A en suivre ces propos tenus par la Commission, il conviendrait de tenir compte de nombreux éléments pour déterminer si un salarié accomplit effectivement à titre habituel son travail en un pays donné de l’Union et s’agissant du personnel navigant, le lieu correspondant à sa base d’affectation devrait être pris en considération pour statuer sur ce point.

Le règlement n°1899/2006, visé dans la réponse de la Commission définit la base d’affectation de la manière suivante : « Le lieu désigné par l’exploitant pour le membre d’équipage, où celui-ci commence et termine normalement un temps de service ou une série de temps de service et où, dans des circonstances normales, l’exploitant n’est pas tenu de loger ce membre d’équipage. »

Or, dans la plupart des cas, la base d’affectation est celle de la société dans son pays d’origine, peu important que des prestations de service soient ensuite effectuées occasionnellement sur le territoire Français.

Il semblerait pour autant que cette donnée correspondant à la base d’affectation, ne soit  que rarement prise en considération.

Dans un arrêt récemment rendu par la CJUE (Koelzsch C/État du Grand-Duché de Luxembourg, 15 mars 2011), la Cour a estimé, s’agissant d’un salarié assurant des missions de transport par route au profit de son employeur luxembourgeois, qui tentait de se prévaloir de l’application de la loi allemande, lieu où intervenaient notamment ses missions :

 

« … dans la mesure où l’objectif de l’article 6 de la convention de Rome est d’assurer une protection adéquate au travailleur, cette disposition doit être lue comme garantissant l’applicabilité de la loi de l’État dans lequel il exerce ses activités professionnelles plutôt que celle de l’État du siège de l’employeur. En effet, c’est dans le premier État que le travailleur exerce sa fonction économique et sociale et, ainsi qu’il a été souligné par Mme l’avocat général au point 50 de ses conclusions, que l’environnement professionnel et politique influence l’activité de travail. Dès lors, le respect des règles de protection du travail prévues par le droit de ce pays doit, dans la mesure du possible, être garanti.

 

 Ainsi, compte tenu de l’objectif poursuivi par l’article 6 de la convention de Rome, il y a lieu de constater que le critère du pays où le travailleur «accomplit habituellement son travail», édicté au paragraphe 2, sous a), de celui-ci, doit être interprété de façon large, alors que le critère du siège de «l’établissement qui a embauché le travailleur», prévu au paragraphe 2, sous b), du même article, devrait s’appliquer lorsque le juge saisi n’est pas en mesure de déterminer le pays d’accomplissement habituel du travail.

 

Il découle de ce qui précède que le critère contenu à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome a vocation à s’appliquer également dans une hypothèse, telle que celle en cause dans le litige au principal, où le travailleur exerce ses activités dans plus d’un État contractant, lorsqu’il est possible, pour la juridiction saisie, de déterminer l’État avec lequel le travail présente un rattachement significatif.

 

Selon la jurisprudence de la Cour, citée au point 39 du présent arrêt, qui reste pertinente dans l’analyse de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome, lorsque les prestations de travail sont exécutées dans plus d’un État membre, le critère du pays de l’accomplissement habituel du travail doit faire l’objet d’une interprétation large et être entendu comme se référant au lieu dans lequel ou à partir duquel le travailleur exerce effectivement ses activités professionnelles et, en l’absence de centre d’affaires, au lieu où celui-ci accomplit la majeure partie de ses activités.

 

 

 Il ressort de ce qui précède que la juridiction de renvoi doit interpréter de manière large le critère de rattachement édicté à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome pour établir si le requérant au principal a accompli habituellement son travail dans l’un des États contractants et pour déterminer lequel d’entre eux.

 

À cette fin, en considération de la nature du travail dans le secteur du transport international, tel que celui en cause dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi, ainsi que l’a suggéré Mme l’avocat général aux points 93 à 96 de ses conclusions, doit tenir compte de l’ensemble des éléments qui caractérisent l’activité du travailleur.

 

Elle doit notamment établir dans quel État est situé le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail. Elle doit également vérifier quels sont les lieux où le transport est principalement effectué, les lieux de déchargement de la marchandise ainsi que le lieu où le travailleur rentre après ses missions.

 

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d’un État contractant, le pays dans lequel le travailleur, dans l’exécution du contrat, accomplit habituellement son travail au sens de cette disposition est celui où ou à partir duquel, compte tenu de l’ensemble des éléments qui caractérisent ladite activité, le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur. »

 

 

 

 

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