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Newsletter du cabinet Cazeau & Associés – Novembre 2018

Droit d’auteur, une directive européenne contestée

« L’évolution des technologies numériques a transformé la façon dont les œuvres et d’autres objets protégés sont créés, produits, diffusés et exploités. De nouvelles utilisations sont apparues, de même que de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles économiques. Dans l’environnement numérique, les utilisations transfrontières se sont également accrues et les consommateurs se voient offrir de nouvelles possibilités d’accéder à des contenus protégés par le droit d’auteur. (…) le cadre européen en matière de droits d’auteur doit être adapté à ces nouvelles réalités ».

Voici les premiers mots de la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique qui fait tant parler d’elle.

En effet, 12 septembre 2018, après de vigoureux débats et plus de 250 amendements déposés, le Parlement européen a voté à 438 voix contre 226, en faveur de l’adoption du projet de réforme du droit d’auteur.

Le Parlement, le Conseil et la Commission peuvent désormais lancer les pourparlers pour aboutir à une version définitive.

Il convient de rappeler que la dernière législation européenne sur le droit d’auteur date de 2001. L’objectif avancé par Bruxelles était donc d’adapter à l’ère numérique une législation devenue obsolète et de mieux protéger les détenteurs de droits, comme les artistes créateurs et les éditeurs de presse.

Le principe de la réforme est d’inciter les plateformes numériques de partage de contenus, comme YouTube, détenu par Google, à mieux rétribuer les créateurs de contenus, mais aussi de créer un nouveau « droit voisin » du droit d’auteur pour les éditeurs de presse.

Les débats se sont donc surtout focalisés sur deux dispositions :

L’article 11, qui créé un droit voisin pour les éditeurs de presse (journaux, magazines, agences de presse comme l’AFP) leur permettant de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne, même partielle, de leurs articles. Plus précisément, il est prévu que les éditeurs de publication de presse, futurs titulaires des droits de reproduction et de communication des œuvres au public, doivent pouvoir bénéficier d’une rémunération juste et proportionnée pour l’utilisation numérique de leurs publications de presse par des prestataires de services de la société de l’information. Reste à définir les contours de la part appropriée.

L’article 13, quant à lui, prévoit l’obligation pour les plateformes en ligne (réseau social, service de vidéo en ligne, etc.) de nouer des accords de licence justes et appropriés avec les créateurs de contenus et/ou leurs ayants droit pour ²

A défaut d’accords, les plateformes seraient tenues de mettre en place un outil automatique de détection et de suppression des contenus protégés par le droit d’auteur. Par ailleurs ces plateformes devront mettre en place un mécanisme de plainte et de recours juridique pour que les utilisateurs puissent se plaindre si leur publication a été supprimée à tort.
Toutefois, ce blocage automatisé ne s’appliquerait pas aux petites et moyennes entreprises à objet non commercial, aux entreprises agissant à des fins scientifiques, ou encore aux organismes de recherche (universités et instituts de recherche).

Les discussions sont majoritairement menées par deux groupes antagonistes: les artistes et éditeurs de presse d’une part qui luttent pour une rétribution plus équitable de leur travail ; et les géants du numérique (GAFAM) et défenseurs des libertés en ligne d’autre part, qui dénoncent des normes trop contraignantes et une restriction d’accès aux savoirs par la mise en place d’un filtrage généralisé des contenus.

Le Parlement européen qui a été soumis à un fort lobbying a tenté d’élaborer un texte de compromis. Il renforce les responsabilités des plateformes en matière de protection du droit d’auteur qui s’applique également aux extraits. En revanche, le simple partage d’hyperliens vers des articles et les “mots isolés” pour les décrire échapperont aux règles du droit d’auteur. Le texte adopté rappelle que la législation sur le droit d’auteur doit être respectée sur Internet sans entraver la liberté d’expression.

Les discussions à huis clos vont désormais pouvoir débuter entre les représentants du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, appelées « trilogues » dans le jargon de l’UE. Elles peuvent prendre plusieurs mois avant d’arriver à un texte de compromis entre les deux co-législateurs et l’exécutif européen. Ce texte devra à nouveau être soumis au vote du Parlement en session plénière. Et ce n’est qu’à ce moment-là que les États membres commenceront le processus de transposition.
En effet, quand une directive européenne est adoptée, les Etats Membres ont un délai spécifique pour la transposer en droit interne par le biais d’un décret ou d’une loi de transposition.
En France, la transposition  des directives communautaires est une obligation à valeur constitutionnelles (DC n°2004-496 du 19 juin 2004 et DC n° 2006-540 du 27 juillet 2006).
Cette obligation dite de résultat, ce qui implique que les Etats Membres disposent de moyens propres pour la transposer dans le délai imparti. Par ailleurs, tout au long du délai de transposition, les Etats Membres ne peuvent édicter d’actes qui viendraient en contredire la portée ou les principes qu’elle apporte.