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Novembre – Décembre 2022
SOMMAIRE :
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Employeur : Comment réagir face à la dénonciation de faits de harcèlement moral faite par l’un de ses salariés ?
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Employeur : Comment réagir face à la dénonciation de faits de harcèlement moral faite par l’un de ses salariés ?
Les entreprises sont de plus en plus impliquées dans la lutte contre le harcèlement moral et sexuel, conduisant les directions à devoir agir rapidement et à intervenir concrètement en cas de dénonciation de faits de harcèlement moral.
La responsabilité de l’employeur en matière de lutte contre le harcèlement moral se fonde sur son obligation de prévenir les risques professionnels et son obligation de sécurité et de protection de la santé des salariés.
Cependant le Code du travail reste muet quant aux moyens dont dispose l’Employeur pour mettre en œuvre ses obligations et c’est la jurisprudence qui construit peu à peu le cadre d’action de l’employeur.
Que faire lorsqu’un salarié dénonce des faits de harcèlement dans l’entreprise ?
Tout d’abord, la jurisprudence a établi la nécessité pour l’employeur d’organiser une enquête interne en cas de suspicions d’harcèlement dans l’entreprise en application de l’obligation de sécurité, peu importe que les faits dénoncés ne caractérisent pas in fine un cas de harcèlement (Cass. soc 27 novembre 2019 n°18-10551).
Par conséquent, mener une enquête interne qui aboutira sur un rapport d’enquête devient un moyen pour l’employeur de se constituer une preuve de l’exécution de ses obligations en matière de santé et sécurité en cas de dénonciation de faits relavant du harcèlement moral.
Ensuite, la jurisprudence a dessiné les contours de la méthode de l’enquête interne en répondant aux questions suivantes : qui doit mener l’enquête ? Comment doit-elle être organisée ? Quelle est l’étendue de l’enquête ?
L’enquête doit permettre de déterminer si les agissements dénoncés sont avérés et s’ils suffisent à caractériser des faits de harcèlement moral. A la suite des premières vérifications, il appartient à l’employeur de prendre les mesures qui s’imposent contre la personne suspectée dans le but de protéger les autres salariés, de préserver les éléments de preuves ou encore de sanctionner le salarié, auteur des faits.
Selon la nature des faits, les mesures peuvent aller de la mise en place d’une formation pour apprendre à mieux communiquer au sein d’une équipe jusqu’à des sanctions pouvant conduire au licenciement pour faute grave. En cas de contestation du licenciement pour faute grave, la partie en défense aura tendance à remettre en cause la validité du rapport d’enquête qui fonde la décision de licenciement.
Au regard de l’importance que revêt l’enquête interne et le rapport d’enquête qui en résulte, il est conseillé aux entreprises de prévoir une méthodologie de la procédure d’enquête interne en amont afin de réagir rapidement et efficacement en cas de dénonciation de faits de harcèlement moral.
L’une des premières questions qui se pose pour l’organisation de l’enquête est de savoir qui va mener l’enquête ?
L’enquête doit être menée dans le respect du principe d’impartialité. Pour autant, la jurisprudence considère que :
- Le Directeur des ressources humaines seul, sans la participation des représentants du personnel peut diriger l’enquête interne ( Soc. 1er juin 2022, n° 20-22058) ;
- L’entreprise peut également faire appel à un prestataire extérieur (Cass. Soc. 17 mars 2021 n° 18-25597) ;
En revanche, constitue un manquement à l’obligation de sécurité le fait de confier l’enquête au supérieur hiérarchique direct du salarié alors que leur mésentente est connue et que le déroulement de l’enquête se traduit par une mise en cause, précipitée et humiliante, sans ménagement ni précautions suffisantes (Cass. Soc. 6 juillet 2022, n° 21-13631).
Par conséquent, lorsqu’il n’est pas possible pour l’entreprise de trouver un salarié se trouvant dans une position objective vis-à-vis des faits, il est recommandé de recourir à un prestataire tiers habilité pour ces enquêtes internes.
Ensuite, se pose la question du contenu et de l’étendue de l’enquête.
Qui doit être entendu lors de l’enquête ?
Il est conseillé de procéder à des entretiens dans l’ordre chronologique suivant :
- Prévoir en premier lieu un entretien avec la victime présumée, puis éventuellement un deuxième entretien en cours d’enquête.
- Organiser des entretiens avec les témoins directs des faits dénoncés : Il n’est pas obligatoire d’interroger tous les témoins présents (Cass. Soc. 8 janvier 2020 n° 18-20151).
A noter que, le fait pour un salarié de refuser de témoigner est susceptible d’être sanctionné car cette attitude caractérise une violation de l’obligation contractuelle de loyauté du salarié envers son employeur
- Il est également possible de s’entretenir avec l’auteur présumé du harcèlement en dernier lieu.
En effet, en principe, l’employeur n’a pas l’obligation d’informer au préalable le salarié visé par l’enquête, de l’existence de l’enquête (Cass. Soc 17 mars 2021 n°18-25.597), ni de recueillir son témoignage. Néanmoins, cela permet de parfaire l’analyse des faits, de donner au salarié une opportunité de s’exprimer et de renforcer la valeur probante du rapport d’enquête.
Pour chaque entretien, l’entreprise peut mettre en place des questionnaires types afin de conduire les entretiens de la manière la plus objective possible.
La procédure d’enquête interne en matière de harcèlement moral risque d’être impactée à l’avenir par les nouvelles dispositions issues de la loi WASERMAN n° 2022-401 du 21 mars 2022 qui imposent notamment aux entreprises qui sont dotées d’un règlement intérieur de le mettre à jour en insérant les dispositions sur la protection des lanceurs d’alerte et des témoins/victimes de harcèlement.
Il est vivement recommandé aux entreprises de vérifier la mise en conformité de leurs process internes afin de réduire le risque de voir leur responsabilité engagée en cas de litige.
Alexia Duran Froix