27 rue du Pont Neuf 75001 Paris
+33(0)1 40 20 91 26
info@ncazeau.com

Revue d’actualité du cabinet, 26 février 2013

Le 26 février 2013, les membres du cabinet se sont réunis, pour leur séance mensuelle de revue d’actualité. Voici quelques extraits des sujets abordés :

 
La fin de la procédure d’exéquatur au sein de l’Union Européenne
La refonte du règlement B1
Par Olivier JAVEL

Le règlement n° 44/2001/CE relatif à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions de justice dans l’Union Européenne, dit « Bruxelles I » pour les praticiens et « B1 » pour les intimes, vient d’être refondu. En effet, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 12 décembre 2012 le règlement (CE) n°1215/2012 qui se substituera à B1 en 2015 (où 2014 pour certaines dispositions).

Qu’est-ce que l’exequatur ?

Bruxelles I, est le texte qui encadre, entre autre, l’exéquatur au sein de l’Union Européenne.
De façon simplifiée, il s’agit d’une procédure permettant, sous certaines conditions, de rendre exécutable en France une décision étrangère. Le juge national va faire passer un ensemble de tests à la décision, afin d’évaluer si elle est apte à produire des effets sur le territoire national. Néanmoins, il ne s’agit pas pour le juge de rejuger le litige, mais bien de contrôler que la décision rendue à l’étranger a suffisamment sauvegardé les droits de toutes les parties. Ainsi, l’article 36 du règlement dispose que la révision au fond du jugement (la loi a-t-elle été correctement appliquée par le juge) est exclue. De plus, l’article 34 dispose, entre autres, quant à lui que la décision étrangère ne doit pas être manifestement contraire à l’ordre public ou inconciliable avec une autre décision de justice.
En somme, le juge national se livre, sous l’égide du règlement Bruxelles I et sous réserve de son applicabilité spatiale, temporelle et matérielle, à un contrôle restreint et à priori des décisions étrangères, dans le but de leur faire produire des effets à l’intérieur de nos frontières. Mais l’objectif des rédacteurs du texte est plus global, le lent processus de rapprochement des législations à pour corollaire, nécessaire, un processus de reconnaissance mutuelle des décisions entre les Etats membres.

La suppression de l’exequatur

Le contrôle à priori si limité et de plus, trop lent et trop couteux, n’a pas survécu aux fourches caudines du législateur de l’Union. Ce-dernier a considéré qu’il était possible de se passer d’un tel système. Dès lors, pour faciliter et accélérer la circulation des décisions en matière civile et commerciale au sein de l’UE, la procédure d’exéquatur a été supprimée.
Les articles 36 et 39 du règlement (CE) n°1215/2012 l’annoncent clairement :
« Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure »
« Une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans cet État membre jouit de la force exécutoire dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire. »
Pour autant, les susceptibilités nationalistes ont été préservées partiellement, le règlement prévoit un mécanisme permettant de refuser la reconnaissance ou l’exécution d’une décision étrangère.
L’article 45 du nouveau règlement a repris les conditions énoncées à l’article 36 du règlement Bruxelles I (décision contraire à l’ordre public, incompatibilité avec une décision rendue par un autre Etat membre, ou encore fait que la décision ait été rendue par défaut contre un défendeur n’ayant pas disposé de la possibilité de se défendre).

Néanmoins, il ne s’agit plus d’un contrôle à priori effectué lors de la procédure d’exequatur, mais d’un contrôle a posteriori effectué lorsque l’admission de la décision est contestée. Il reviendra à « toute partie intéressée » de contester la reconnaissance d’une décision.
A l’orée de cette évolution, deux avantages sont palpables :
1.       Un gain de temps pour le justiciable qui souhaite voir sa décision exécutée ;
2.       Une saine orthodoxie qui fait peser, d’une part, le cout de la contestation sur la partie ayant succombé à l’étranger et d’autre part, ne fait plus peser le coût de la reconnaissance et de l’exécution sur la partie l’ayant emporté.
Cette refonte de Bruxelles 1 était attendue par les praticiens, elle est un renouvellement logique pour ne pas dire souhaitable de l’intégration au sein de l’Union Européenne.

La mort subite du cadre supérieur
Législation française concernant l’excès de travail, le stress et le surmenage
Par Pierre LACOIN

L’expression « Karōshi » (過労死), peut être traduite littéralement du japonais comme « la mort par excès de travail ». Il s’agit d’une mort soudaine d’individus sous pression, pendant physiologique du burn-out. La cause médicale la plus fréquente en est la crise cardiaque due au stress.
Bien que seul le Japon lui ait consacré une catégorie spécifique dans ses statistiques, ce phénomène est en plein expansion en Europe. Sa principale cause est d’après les experts la perception d’une accélération du temps, causant du stress et une activité cardiaque exagérée. S’il semble que notre perception de l’écoulement du temps soit directement liée à notre état émotionnel, l’objet de cet article est d’envisager les solutions juridiques à de telles situations de stress au travail.
A cette fin, nous envisagerons la limitation légale de temps de travail, les heures supplémentaires et leur paiement, et la prévention des risques psychosociaux dans l’entreprise.

La limitation légale du temps de travail
La loi impose un triple plafonnement du temps de travail :
–          un maximum de 10 heures travaillées par jour,
–          un maximum de 48 heures travaillées par semaine,
–          une moyenne de 44 heures travaillées par semaine calculée sur une période de 12 semaines.
Il reste de plus interdit de travailler plus de 6 jours en une semaine.
En effet, chaque salarié a droit à un temps de repos quotidien de 11 heures, et à un repos de 24 heures une fois par semaine.
Ce-dernier temps de repos s’ajoutant aux 11 heures quotidiennes, le salarié se voit reconnaitre un droit au repos « weekend » de 35 heures au minimum.

Le paiement des heures supplémentaires
Les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale doivent donner lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures supplémentaires suivantes doivent donner lieu à une majoration de 50 %.
Tout salarié qui effectue régulièrement des heures supplémentaires peut en demander le paiement devant le Conseil de Prud’hommes. Elles ne peuvent être réclamées que dans un délai de 5 ans qui co
mmence à courir dès la délivrance des bulletins de paie non conformes[[1]]url:#_ftn1 .
Autrement dit, le salarié peut demander le paiement des heures supplémentaires qu’il a effectué pendant les 5 dernières années.
Dès lors qu’elles sont accomplies à la demande de l’employeur, ou au moins avec son accord implicite, ces heures doivent donner lieu à bonification, sous forme de repos ou de salaire[[2]]url:#_ftn2 .
Contrairement à un motif régulièrement invoqué par l’employeur, le salarié n’a pas à apporter la preuve d’une quelconque demande de son responsable pour se faire payer ses heures supplémentaires effectuées.
Cette demande résulte en effet implicitement de la charge de travail qui lui est confiée[[3]]url:#_ftn3 .
C’est au contraire à l’employeur de démontrer que ces heures ont été accomplies à son insu pour en refuser le paiement[[4]]url:#_ftn4 .
Enfin, le non-paiement d’heures supplémentaires effectuées sur une longue période de temps peut justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié aux torts exclusifs de son employeur. Cette prise d’acte s’effectue par simple lettre recommandée avec accusé de réception, et elle est assimilée à un licenciement abusif, ouvrant droit au paiement de dommages et intérêts.

Les risques psychosociaux et les accidents du travail
La Cour de cassation a érigé l’obligation de sécurité de l’employeur en obligation de résultat à l’occasion de célèbres arrêts « amiante »[[5]]url:#_ftn5 .
Cela signifie que l’employeur doit assurer la sécurité de ses employés, et ne peut-être excusé par les circonstances, qu’elles quelles soient.
La jurisprudence interprète l’obligation de sécurité de résultat de manière extensive, en ce qu’elle vise également la préservation de la santé mentale. Ainsi, l’employeur doit se soucier du bien-être de ses salariés et, à cet égard, de leur équilibre psychologique (burn out, troubles dépressifs…).
Il est à ce titre utile de rappeler que des méthodes de gestion entraînant pour un salarié « une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » caractérise un harcèlement moral, et permet d’engager à la fois la responsabilité du supérieur hiérarchique et de l’employeur[[6]]url:#_ftn6 .
Il suffit au salarié victime de tels troubles de prouver que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience de tels risques et qu’il n’a pas pris les mesures de protection nécessaires pour que sa responsabilité soit engagée.
La responsabilité de l’employeur peut d’ailleurs être retenue même lorsque le trouble du salarié résulte en grande partie de ses problèmes personnels.
Enfin, un risque avéré mais n’ayant eu aucune incidence sur le salarié qui n’a subi aucun préjudice suffit à voir condamner l’employeur. Ce-dernier devient donc coupable avant même que quelque chose ne se produise.

S’il peut exister dans plusieurs entreprises un véritable mal-être se traduisant parfois par des situations extrêmes[[7]]url:#_ftn7 , on peut aussi constater une certaine récupération du phénomène par des salariés ou des syndicats plutôt mal-intentionnés.

Ainsi, pour prévenir les risques médicaux et juridiques, il semble indispensable :

EN TANT QUE SALARIE :
–          de communiquer avec son supérieur hiérarchique sur la charge de travail imposée, ainsi que sur la réalisation et le paiement des heures supplémentaires ;
–          de ne pas hésiter à contacter son employeur en cas de malveillance ou d’inaction du supérieur hiérarchique ;
–          de rechercher une assistance légale si un dommage s’est déjà produit ou que l’employeur n’agit pas.

EN TANT QU’EMPLOYEUR :
–          de vérifier le respect des durées maximales de temps de travail ;
–          de vérifier qu’aucune heure supplémentaire n’est effectuée à votre insu, et que chacune des heures effectuées est bel et bien rémunérée ;
–          d’évaluer ou faire évaluer l’état mental et émotionnel de ses salariés, ainsi que les risques du ou des styles de management employés, des questionnaires pouvant être mis en place en association avec le CHSCT ;
–          de reporter le résultat de ces évaluations dans le document unique d’évaluation des risques, et de prendre les mesures nécessaires en cas de résultats laissant entrevoir un risque.

Rappelons en effet que l’employeur risque de lourdes sanctions pénales pour travail dissimulé (non-paiement des heures supplémentaires)[[8]]url:#_ftn8 ou non-respect de la législation visant à prévenir les accidents du travail[[9]]url:#_ftn9 .

Le contrat de génération
Par Caroline BONNARDEL

Le contrat de génération, promesse de campagne du candidat François HOLLANDE est un dispositif issu de l’Accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 qui concerne toutes les entreprises du secteur privé.
Pour faire face à la fois à la précarité et au chômage des jeunes et au faible taux d’emploi des seniors, il s’agit, par ce dispositif : de favoriser l’insertion durable des jeunes dans l’entreprise, de maintenir dans l’emploi les salariés les plus âgés et de transmettre le savoir et les compétences de chacun.
Ainsi, le projet de loi adopté en conseil des ministres le 12 décembre 2012 implique la mise en place de binômes jeune / senior avec à la clé, soit une aide financière soit une pénalité, selon la taille de l’entreprise.
Le projet de loi a été adopté définitivement le jeudi 14 février 2013.
Le même jour, ce texte a été soumis au Conseil constitutionnel (Affaire n° 2013-665 DC).

LES CONDITIONS DE L’AIDE FINANCIERE

Les salariés concernés par le dispositif sont les plus jeunes et les plus vieux
L’entreprise, quelle que soit sa taille, doit instaurer un binôme entre d’une part : un jeune de moins de 26 ans, embauché en CDI à temps plein (ou de moins de 30 ans s’il est travailleur handicapé) et d’autre part : un senior d’au moins 57 ans, maintenu dans son emploi (ou d’au moins 55 ans s’il est embauché ou handicapé) (article L 5121-17).

Les salariés concernés par le dispositif doivent être maintenus dans l’emploi pendant au moins trois ans
L’entreprise  doit respecter plusieurs conditions qui tiennent au maintien dans l’emploi des salariés concernés par le dispositif. Par exemple,  il ne faut qu’il y ait eu  de licenciement économique sur le poste dans les 6 mois précédents, ni de licenciement d’un (autre) salarié senior (sauf cas exceptionnel), il faut remplacer le jeune qui quitterait l’entreprise avant d’avoir atteint les trois années. Un décret en conseil d’Etat précisera les cas dans lesquels le départ des salariés jeunes ou seniors donna
nt droit à l’aide, ne justifiera pas la suppression de l’aide.
(article L 5121-17).

LES MODALITES DE MISE EN PLACE DES BINOMES

Les entreprises de moins de 50 salariés bénéficient du régime le plus favorable
Ces entreprises bénéficient d’une éligibilité directe à l’aide dès le recrutement d’un jeune en CDI avec maintien ou embauche d’un salarié senior. (article L. 5121-7)
Dans le cadre d’un accord de branche étendu, ces entreprises doivent pouvoir bénéficier d’un appui en termes d’ingénierie pour concevoir et mettre en place une politique de gestion active des âges.
(article L. 5121-11)
Enfin, la loi prévoit pour ces petites entreprises, un dispositif particulier : le contrat de génération « transmission » (article L 5121-18) qui permet à un chef d’entreprise âgé de plus de 57 ans  de bénéficier d’une aide s’il embauche un jeune de moins de 26 ans en CDI  pour lui transmettre son entreprise. Les modalités, durée et montant de l’aide sont fixés par décret.

Les entreprises de plus de 50 salariés sont soumises à deux types d’obligation : établir un diagnostic et conclure un accord collectif ou adopter un plan d’action
Etablir un diagnostic
Toutes les entreprises de plus de 50 salariés doivent établir un diagnostic sur la situation des jeunes et des seniors dans l’entreprise (article L. 5121-10).
Le contenu du diagnostic est précisé par décret.

Conclure un accord collectif ou adopter un plan d’action d’une durée de trois ans
Les entreprises de plus de 50 salariés doivent conclure un accord collectif : accord d’entreprise ou de groupe (article L. 5121-8 et 9) ; l’entreprise peut aussi être couverte par un accord de branche.

A défaut d’accord (article L. 5121-11), l’employeur peut élaborer un plan d’action (article L. 5121-12), après consultation du Comité d’entreprise ou à défaut des Délégués du personnel lorsqu’ils existent.
Le plan d’action, le Procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de Délégués syndicaux ainsi que l’avis du Comité d’entreprise ou à défaut des Délégués du personnel font l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative.
Les services du Ministère du travail vérifient la validité de l’accord ou du plan d’action et sa mise en œuvre.

Contenu de l’accord ou du plan
Cet accord ou ce plan doit comprendre notamment :
* les engagements en faveur de l’insertion durable des jeunes, de l’emploi des salariés âgés et de la transmission des savoirs et compétences. Des objectifs sont associés à ces engagements et le cas échéant, des indicateurs chiffrés, selon modalités fixées par décret en conseil d’Etat.
* le calendrier prévisionnel de mise en œuvre des engagements ainsi que les modalités de suivi et d’évaluation de leur réalisation.
L’accord d’entreprise ou de groupe, ou le plan d’action, et le diagnostic annexé, font l’objet d’un contrôle de conformité par l’autorité administrative compétente, dans des conditions fixées par décret en conseil d’Etat (article L. 5121-13).

Suivi de l’accord ou du plan
Dans l’hypothèse d’un plan d’action, l’employeur consulte chaque année le Comité d’entreprise ou à défaut les Délégués du personnel lorsqu’ils existent, sur la mise en œuvre du plan d’action et la réalisation des objectifs fixés.
Les entreprises de plus de 300 salariés ont l’obligation (sanctionnée par une pénalité de 1 500 euros par mois de retard) de produire chaque année un document de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des engagements (article L. 5121-15) Le contenu de ce document est fixé par décret en Conseil d’Etat.

LES INCITATIONS FINANCIERES

L’aide versée aux entreprises de moins de 300 salariés
L’aide est de 4 000 euros par an soit 12 000 euros sur 3 ans, versée par POLE EMPLOI (1 000 euros par trimestre) ; elle est constitué en fait de 2 000 euros pour l’embauche d’un jeune et de 2 000 euros pour le maintien ou l’embauche d’un senior.
Si le senior part à la retraite avant la fin des 3 ans, l’aide s’arrête pour lui mais pas pour le jeune.
Mais si le jeune part avant le terme des 3 ans, sans être remplacé par l’embauche d’un autre jeune, ou si le senior est licencié, alors l’aide s’arrête pour les deux.
Si le jeune démissionne au bout de 2 ans et qu’il est remplacé par un autre, l’aide est versée sur 2 années + 3 années (et le senior maintenu d’autant dans l’emploi avec une aide versée sur 5 ans)
L’aide correspond à un binôme, elle peut donc être cumulée.

La pénalité affectant les entreprises d’au moins 300 salariés
Lorsque l’autorité administrative compétente constate que l’entreprise n’est pas couverte par un accord collectif ou un plan d’action, ou que l’accord ou le plan n’est pas conforme, elle met en demeure l’entreprise de régulariser sa situation.
A défaut de régularisation, l’autorité fixe le montant de la pénalité, en fonction des efforts constatés pour établir un accord collectif ou un plan conformes, et en fonction de la situation économique et financière de l’entreprise (article L. 5121-14).
En cas d’absence d’accord injustifiée, la pénalité pourra représenter jusqu’à 10% des allègements dont bénéficie l’entreprise (en coordination avec le code de la sécurité sociale).
Pour les entreprises qui bénéficient peu de ces allègements, la pénalité sera portée jusqu’à 1% de la masse salariale.
La pénalité sera  applicable faute d’accord collectif ou de plan d’action au 30 septembre 2013.

L’Accord National du 11 Janvier 2013 :
Est-ce que la France a vraiment fait évoluer son droit du travail ?
Par Nathalie CAZEAU

A l’heure où tous les économistes s’accordent à dire que l’une des priorités pour résoudre la crise que traversent toutes les grandes démocraties européennes, est de réformer nos lois sociales, de manière à les rendre plus souples, et mieux adaptées aux contraintes et aux pressions que subissent les entreprises, la France a, elle aussi, entrepris de réformer son droit du travail, et est parvenue à un accord avec les partenaires sociaux, le 11 Janvier 2013.
Pourtant, à la lecture du contenu de cet accord,  il est légitimement permis de s’interroger si nous sommes en présence de nouvelles  solutions simples et pragmatiques, ou bien si nous avons affaire à un nouveau «  mille-feuille » à la Française, qui suscitera  bon nombre de questions laissées sans réponse, et qui fera la joie des cabinets spécialisés en droit social ….
Le texte, qui devrait en principe être présenté sous forme de projet de loi en mars prochain, contient 5 principaux titres  prévoyant d’une part, de nouveaux droits pour les salariés, et d’autre part, une plus grande sécurité et souplesse pour les employeurs.

–       &nbs
p;  L’assurance Santé
Le 1er avril 2013 au plus tard, les branches professionnelles ouvriront des négociations en vue de permettre aux salariés d’accéder à une assurance complémentaire de frais de santé.
La généralisation de la mutuelle pour tous devra prendre effet au plus tard le 1er Janvier 2016.

–          L’assurance Chômage
Les parties sont convenues de la mise en place d’un dispositif de droits rechargeables dans le cadre du régime de l’assurance chômage. Ce dispositif consiste pour les salariés en cas de reprise d’emploi consécutive à une période de chômage , à conserver le reliquat de tout ou partie de leurs droits aux allocations du régime d’assurance chômage, non utilisés pour les ajouter en cas de nouvelle perte d’emploi, aux nouveaux droits acquis au titre de la période d’activité couverte par cette reprise d’emploi.

–          Taxation des contrats précaires
L’article 4 de l’ANI prévoit une cotisation spécifique pour les contrats à durée déterminée conclus dans certains secteurs d’activité pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée.

–          Création d’un compte personnel de formation
Il sera instauré dans les 6 mois de l’entrée en vigueur de l’accord, un compte personnel de formation, lequel sera universel, individuel, et intégralement transférable.

–          Période de mobilité volontaire sécurisée
Le salarié qui justifie d’une ancienneté minimale de 2 ans dans une entreprise de 300 salariés et plus, peut, à son initiative et avec l’accord de son employeur, mettre en œuvre une période de mobilité lui permettant de découvrir un emploi dans une autre entreprise.
Cette période de mobilité donne lieu à la signature d’un avenant au contrat de travail, préalable à sa prise d’effet, étant précisé que le contrat de travail initial est suspendu pendant la période de mobilité.
Si la demande de mobilité a fait l’objet de deux refus successifs de l’employeur, l’intéressé bénéficie d’un accès privilégié au CIF.
Lorsque le salarié revient dans son entreprise d’origine, il retrouve de plein droit son emploi antérieur avec une qualification et une rémunération qui ne peuvent être inférieures à celles de son emploi antérieur.
Diverses mesures sont également prévues au titre de la mobilité interne ( article 15), sachant que le refus par un salarié, d’une modification de son contrat proposée dans ces conditions, n’entraîne pas son licenciement pour motif économique, il s’agit d’un licenciement pour motif personnel, ouvrant droit à des mesures de reclassement.

–          Travail à temps partiel
Selon l’article 11 de l’accord, les branches professionnelles qui le souhaitent, et les branches professionnelles dont au moins un tiers des effectifs est occupé à temps partiel, en janvier 2013, ouvriront des négociations visant à organiser les modalités d’exercice du temps partiel dans les 3 mois suivant l’entrée en vigueur de l’accord du 11 Janvier 2013.
Il est ainsi prévu qu’au plus tard le 31 décembre 2013, la durée minimale d’activité est fixée à 24 heures par semaine (sauf le cas des salariés des particuliers employeurs ou des salariés âgés de moins de 26 ans et poursuivant leurs études). Une durée d’activité inférieure peut être prévue à la demande écrite et motivée du salarié pour lui permettre de cumuler plusieurs employeurs.

–          Information des salariés :
Le titre II de l’ANI  porte sur le renforcement de l’information des salariés sur les perspectives et les choix stratégiques de l’entreprise, pour renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Dans les grands groupes, c’est-à-dire dans les entreprises dont les effectifs totaux sont au moins égaux à 10 000 salariés dans le monde, ou à 5000 en France, les salariés vont faire leur entrée avec voix délibérative au conseil d’administration «  afin de favoriser la prise en compte du point de vue des salariés sur la stratégie de l’entreprise ».

Adaptation des entreprises :
Le titre III de l’accord a pour objet «  de donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi ».

–          Accords de maintien de l’emploi :
La possibilité est prévue de conclure des accords d’entreprise permettant de trouver un nouvel équilibre pour une durée limitée dans le temps, dans l’arbitrage global, temps de travail/salaire/emploi.
Ces accords, qui visent  à une augmentation du temps de travail, ou une baisse de salaire, en échange d’un engagement de la part de l’employeur, au maintien de l’emploi des salariés auxquels ils s’appliquent pour une durée au moins égale à celle de l’accord, sont conclus avec les représentants du personnel. Ils ne pourront pas déroger aux éléments d’ordre public social, tels que notamment le SMIC, la durée légale, les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires , le repos quotidien et hebdomadaire , les congés payés légaux et le 1er mai. En outre, ils ne pourront être que des accords majoritaires conclus pour une durée maximum de 2 ans.
En contrepartie des efforts demandés, l’accord devra comporter des garanties, telles que le partage du bénéfice économique de l’accord, arrivé à échéance, et les sanctions en cas de non-respect de celui-ci. En cas de refus du salarié des mesures prévues par l’accord, la rupture de son contrat de travail s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité. L’entreprise est exonérée de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement collectif pour motif économique. Toutefois, l’accord devra prévoir des mesures d’accompagnement susceptibles de bénéficier au salarié ayant refusé l’application des mesures de l’accord.

–          Licenciements économiques
La procédure relative au licenciement de 10 salariés et plus, sur une même période de 30 jours dans les entreprises d’au moins 50 salariés, est profondément modifiée. La procédure de licenciement économique collectif pour motif économique et le contenu du PSE seront désormais fixés soit par accord collectif majoritaire soit par un document produit par l’employeur et homologué par la Direction Régionale de L’économie, et la concurrence et de la consommation.
Désormais, un accord collectif signé par une ou plusieurs organisations ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés au premier tour des précédentes élections professionnelles, pourra fixer le nombre et le calendrier des réu
nions avec les IRP , la liste des documents à produire, les conditions et délais de recours à l’expert, l’ordre des licenciements, et le contenu du PSE.
Lorsque l’employeur recourt à la procédure d’homologation, il établit un document qu’il soumet à l’avis du Comité d’Entreprise avant sa transmission à la DIRRECTE. Ce document précise le nombre et le calendrier des réunions des instances représentatives du personnel, les délais de convocation, la liste des documents à produire, et le projet de PSE. L’administration se prononce dans un délai de 21 jours sur le document et le projet de PSE. A défaut de réponse dans ce délai, ils sont réputés homologués.
A compter de la date de présentation du document au comité d’entreprise, la procédure s’inscrit dans un délai maximum préfixe, non susceptible de suspension ou de dépassement de 2 mois pour les projets de licenciements collectifs concernant 10 à 99 salariés, 3 mois pour les projets concernant 100 à 249 salariés, 4 mois, pour les projets dépassant 250 salariés.
La mise en œuvre des reclassements internes peut débuter à compter de l’homologation .En cas de refus d’homologation par l’administration, ce refus est motivé.

–          Contentieux judiciaire
L’accord vise à promouvoir la conciliation prud’homale grâce à l’adoption de barèmes quant aux dommages et intérêts.
L’indemnité forfaitaire vaudrait réparation de l’ensemble des préjudices liés à la rupture du contrat de travail, et son montant est fixé à :
0 et 2 ans d’ancienneté : 2 mois de salaire,
2 et 8 ans d’ancienneté : 4 mois de salaire,
8 et 15 ans d’ancienneté : 8 mois de salaire,
15 et 25 ans d’ancienneté : 10 mois de salaire,
Au-delà de 25 ans d’ancienneté 14 mois de salaire.

Les confédérations FO et CGT ont refusé de signer l’accord, en considérant qu’il reflétait «  beaucoup de flexibilité, et peu de sécurité »….
Affaire à suivre…

 


[[1]]url:#_ftnref1 Cour de cassation chambre sociale 6 avril 2011
[[2]]url:#_ftnref2 Cass. Soc. 30 mars 1994, Collet c/Cramif, pourvoi n° 90-43.246
[[3]]url:#_ftnref3 Cass. Soc. 19 avril 2000, société imprimerie STP Multipress c/Boutiller, pourvoi n° 98-41.071
[[4]]url:#_ftnref4 Cass. Soc. 23 novembre 1994
[[5]]url:#_ftnref5 Chambre sociale, 28 février 2002
[[6]]url:#_ftnref6 Cass. soc., 10 nov. 2009, no 07-45.321, no 2245 P+B
[[7]]url:#_ftnref7 On rappellera à cet effet les tragiques défenestrations des employés de France Télécom à la fin de l’année 2009
[[8]]url:#_ftnref8 Jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (art. L.8221-5 du Code du Travail)
[[9]]url:#_ftnref9 Jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende pour la personne physique, 375 000 € pour la personne morale