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Rupture abusive des Pourparlers, la Cour de Cassation, refuse l’indemnisation de la victime au titre de la perte de chance

Dans un arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation le 18 septembre 2012, publié au bulletin sous le numéro 11-19.629,895, la Cour de Cassation considère que le préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers ne peut s’indemniser au titre de la perte de chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat.

 
Dans un arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation le 18 septembre 2012, publié au bulletin sous le numéro 11-19.629,895, la Cour de Cassation  considère que le préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers ne peut s’indemniser  au titre de la perte de chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat.
 
Dans cette affaire,  une société S.  a signé avec une autre société B, un contrat de sous- traitance, portant sur un marché de définition d’une tenue de combat, conclu  avec la délégation générale de l’armement DGA. Au cours des années 2003 et 2004  la société S. et la société B. sont entrées en relation en vue en vue de la sous traitance du marché de réalisation de ces tenues.
Ultérieurement,  la société S.  qui avait obtenu le marché auprès de la DGA informe finalement la société B.  Qu’elle  n’était pas retenue pour la sous-traitance. Cette dernière  assigne donc le titulaire du marché principal, la société S.  en réparation des préjudices en résultant.
L’arrêt soumis à la Cour, avait condamné la société titulaire du marché à indemniser son interlocuteur à hauteur d’une somme de 10 000 000 d’EUROS à titre de dommages et intérêts, l’arrêt retenant que les fautes de la société S. avaient fait perdre à la société B.  une chance sérieuse d’être désignée en qualité de sous-traitant et que cette société ne pouvait solliciter que des dommages et intérêts du fait de la rupture injustifiée des pourparlers qui lui avait fait perdre toute chance d’exécuter le contrat.
La Cour censure en ces termes au visa de l’article 1382 du  Code Civil : «  En statuant ainsi, alors qu’ayant retenu que la faute de la société S. consistait dans la rupture abusive de pourparlers au préjudice de la société B. elle ne pouvait pas indemniser celle-ci de la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat, la Cour d’Appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte sus visé. »
Le débat soulevé par cette décision porte sur la nature juridique  du préjudice précontractuel, qui peut naître à l’occasion de la rupture des pourparlers.
A en lire les faits de l’espèce, il  semblerait que les deux sociétés aient déjà été liées par des liens contractuels, et que le litige avait dû naître à l’occasion de nouvelles discussions.
Cette question de la détermination de la nature juridique du préjudice précontractuel est souvent complexe,  puisque l’analyse va dépendre du contexte dans lequel  les pourparlers sont menés
(Existence ou non de précédentes relations contractuelles, existence ou non d’engagements contractuels entre les parties, régissant la période des pourparlers)
La responsabilité dans la rupture des pourparlers étant de nature délictuelle, la victime ne peut obtenir en principe  que la réparation des pertes subies au cours des pourparlers, réparation qui à l’évidence, risquera d’être bien moindre que celle octroyée du fait de la perte de chance, d’avoir pu signer le contrat.
Pourtant l’indemnisation de la perte d’une chance découlant de la non conclusion du contrat avait déjà été admise par le passé par la jurisprudence, mais cette analyse a cette fois été écartée par la chambre commerciale de la Cour de Cassation, qui s’en tient à une application très stricte  liée à la nature délictuelle de la responsabilité.
Il semblerait cependant qu’une telle analyse ait des conséquences assez sévères pour la victime, puisque le gain manqué est à l’évidence  un élément essentiel du préjudice, surtout si les négociations sont très avancées entre les parties, et qu’elles étaient déjà en relation d’affaire, comme c’est très souvent le cas.
En outre,  il faut également rappeler l’obligation générale de bonne foi dans les contrats, qui justifie aussi la sanction de la rupture abusive de pourparlers, surtout quand avait été suscité chez le partenaire, un espoir et une confiance légitime dans la signature de la conclusion du contrat.
Sur ce point, et même si l’  on écarte la perte de chance, le fait que les pourparlers aient pu être très avancés, justifient que le gain manqué soit indemnisé, au titre du principe de bonne foi dans les pourparlers.