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Newsletter du cabinet Cazeau & Associés – Avril-Mai 2022

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 Avril – Mai 2022

SOMMAIRE

Articles :

  1. Publications sur LinkedIn, devoir de confidentialité et licenciement
  2. Rémunération variable et fixation unilatérale des objectifs
  3. Vers un nouveau cadre normatif en matière de devoir de vigilance

ARTICLES

1- Publications sur LinkedIn, devoir de confidentialité et licenciement

Dans un arrêt du 23 février 2022 la Cour d’appel de Paris a validé le licenciement d’un salarié justifié par la publication par ce dernier d’images sur LinkedIn provenant de documents internes à l’entreprise, ce comportement relevant d’une violation de confidentialité prévue par le contrat de travail.

Plus en détail, un salarié chef de projet de la société SAFRAN Aircraft engines a publié sur LinkedIn deux images de coupes et géométries d’un moteur susceptibles d’être utilisées par les concurrents d’après l’employeur.

L’employeur a mis en avant le fait que ce comportement était une violation de l’obligation de confidentialité présente dans le contrat de travail du salarié et inhérente à sa fonction de responsable Recherches et développement. L’obligation de confidentialité était également reprise par le règlement intérieur applicable à l’établissement, qui prévoyait notamment qu’afin de se conformer aux impératifs de la Défense Nationale, de la protection du secret industriel et des intérêts vitaux de l`entreprise le personnel est tenu de garder une discrétion absolue sur toutes les informations. les procédés de fabrication, techniques, opérations commerciales ou financières dont il pourrait avoir connaissance du fait de son appartenance au personnel de la société.

La Cour a relevé que les images publiées provenaient de documents internes qui n’étaient pas destinés à une publication sur un réseau social, ce seul constat permettant de caractériser la violation de l’obligation de confidentialité.

La Cour a rejeté les arguments du salarié qui objectait que les informations en cause étaient librement accessibles et non susceptibles d’être exploitées. Le salarié a invoqué en effet leur caractère succinct, l’absence de paramètres ou d’échelle et le fait que ces images provenaient d’un poster affiché dans les locaux professionnels.

Cette décision n’est pas isolée. A titre d’exemple, par un arrêt du 30 septembre 2020 la Cour de cassation a eu l’occasion de valider le licenciement d’un salarié justifié par le fait d’avoir publié la photographie du défilé de la nouvelle collection sur son compte privé Facebook comptant plus de 200 amis professionnels alors qu’il était soumis contractuellement à une clause de confidentialité (Cass. soc, 30 septembre 2020, n. 19-12.058).

Luca Demurtas

2- Rémunération variable et fixation unilatérale des objectifs

Il n’est pas rare que le contrat de travail prévoit le versement d’une rémunération variable subordonnée à certains objectifs.

Lorsqu’ils n’ont pas été contractualisés, l’employeur peut modifier unilatéralement les objectifs dans le cadre de plans annuels de rémunération variable sous réserve que lesdits objectifs ainsi fixés soient raisonnables et que le salarié en ait été informé en début d’exercice.

En d’autres termes, l’employeur peut tout à fait les fixer seul, il n’est pas tenu de les négocier avec le salarié (Cass. soc., 17 décembre 2003, n. 01‐44.851).

La fixation de nouveaux objectifs peut tout à fait avoir pour conséquence de réduire la part variable de salaire et cela ne constitue pas une modification de contrat que le salarié est en droit de refuser (Cass. soc., 2 mars 2011, n. 08-44.977).

L’employeur est libre des fixer les objectifs à condition que ceux-ci soient réaliste et réalisables et qu’ils aient été portés à la connaissance du salarié en débout d’exercice.

Il est fondamental que la fixation des objectifs soit faite par écrit, de manière à pouvoir en rapporter la preuve ultérieurement. Les objectifs doivent être rédigés en français même si l’entreprise a une activité internationale (Cass. soc., 3 mai 2018, no 16-13.736) ; cependant les objectifs peuvent être rédigés en anglais si une traduction est diffusée rapidement (Cass. soc., 21 sept. 2017, no 16-20.426).

Lorsque l’employeur n’a pas précisé les objectifs à réaliser, ni fixé les conditions de calcul de la prime d’objectifs, ni indiqué de période de référence, le juge ne peut fixer lui-même le montant de ladite prime. Dès lors que le contrat de travail prévoit un montant maximal, le juge est tenu de retenir ce montant (Cass. soc., 10 juill. 2013, nº 12-17.921).

Luca Demurtas

3- Vers un nouveau cadre normatif en matière de devoir de vigilance

Le 1er avril 2022, des syndicats français et brésiliens ont mis en demeure McDonald’s pour non-respect des normes sociales et environnementales. Les trois syndicats reprochent plus particulièrement au fast food de ne pas avoir identifié les risques et prévenu les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant de ses activités, tant en France que chez ses fournisseurs brésiliens de café et de jus d’orange. Ils donnent trois mois au groupe pour dresser un plan de vigilance conforme aux exigences légales.

En effet, McDonald’s France n’a publié aucun plan de vigilance depuis la loi de 2017 n° 2017-399 sur le sujet. Ce texte impose pourtant à toute société qui emploie à la clôture de deux exercices consécutifs au moins 5 000 salariés en leur sein et dans leurs filiales françaises ou au moins 10 000 salariés en leur sein et dans les filiales françaises et étrangères.

Cependant, McDonald’s explique qu’en raison de son organisation basée sur des franchises, la société n’est pas assujettie au devoir de vigilance car la filiale française de la multinationale ne compte pas les 5000 salariés en France requis par la loi.

Cette mise en demeure illustre la nécessité de réforme du devoir de vigilance mis en avant par la Commission qui vient de présenter la proposition de directive au Parlement et au Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive, le 23 février 2022.

Le devoir de vigilance établi par la proposition de directive couvre les opérations de l’entreprise et de ses filiales, ainsi que les chaînes de valeur des entités avec lesquelles une relation commerciale établie est entretenue. La notion de chaîne de valeur adoptée par la proposition est très large, comprenant toutes les activités de production et de fourniture de services, y compris dans le cadre des activités de vente et distribution.

L’apport de ce texte réside notamment dans l’extension du champ d’application aux entreprises comptant plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires (CA) annuel supérieur à 150 millions d’euros et aux entreprises de l’UE employant plus de 250 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros à condition qu’au moins 50% de ce dernier ait été réalisé dans un secteur identifié comme à risque (tel que celui de la mode, de l’agriculture, ou encore le secteur minier), et enfin à certaines entreprises actives dans l’UE mais établies dans des États tiers, lorsqu’elles dépassent les chiffres d’affaires indiqués ci-avant au sein de l’UE.

De plus, le projet prévoit l’association obligatoire des parties prenantes, et l’obligation de prévoir la signature de clauses contractuelles avec un partenaire commercial, afin de faire respecter le code de conduite de l’entreprise dans la chaine de valeur.

Pour rendre le texte contraignant, le projet de directive intègre la possibilité de mise en place d’une autorité de supervision chargée de veiller au respect du devoir de vigilance et d’un réseau de coopération européen sur les pratiques et les sanctions (art 17 projet directive) avec pouvoirs d’enquête et de sanction pouvoirs dont ne dispose pas l’AFA.

En complément de ces travaux, la Commission a également présenté une stratégie visant à promouvoir le travail décent dans le monde et prépare un instrument d’interdiction des produits issus du travail forcé. Ces avancées constituent une réelle opportunité pour la maîtrise des chaînes d’approvisionnement mobilisées par les marchés, plus transparentes, plus résilientes et garantes de conditions de concurrence équitables pour les entreprises.

L’adoption d’un cadre normatif harmonisé et contraignant en matière de devoir de vigilance va contribuer à favoriser la mise en place de stratégies respectueuses des droits fondamentaux et environnementaux au sein des entreprises comme McDonald’s.

Alexia Duran Froix