27 rue du Pont Neuf 75001 Paris
+33(0)1 40 20 91 26
info@ncazeau.com

Newsletter du cabinet Cazeau & Associés – Février 2020

Newsletter
Février 2020

Compte tenu de l’actualité, le cabinet vous propose, ce mois-ci, un article collaboratif pour tenter de comprendre les conséquences juridiques que peuvent avoir une épidémie globalisée comme celle du Coronavirus

SOMMAIRE

  • ArticleLes impacts juridiques de l’épidémie de Coronavirus sur l’activité des entreprises

 

ARTICLE

Les impacts juridiques de l’épidémie de Coronavirus sur l’activité des entreprises

Il n’aura échappé à personne que, ces dernières semaines, les unes des journaux ont été monopolisées par l’épidémie de Coronavirus.

Au-delà de la peur que les perspectives d’une généralisation de l’épidémie peut ou non faire naître, il est patent que ce phénomène a d’ores-et-déjà des conséquences sur l’activité économique des entreprises.

A l’heure où le FMI continue d’ailleurs d’essayer d’évaluer les impacts qu’aura l’épidémie sur l’économie mondiale, CAZEAU & ASSOCIES s’est interrogée sur les implications juridiques d’un tel phénomène.

Plus précisément, il conviendra d’analyser successivement les impacts de l’épidémie de Coronavirus sur les contrats commerciaux en cours (I.) et sur les relations de travail (II.).

 

I. Quels impacts pour les contrats commerciaux en cours ?

Epidémie, cause de force majeure dans l’exécution des contrats ?

Le Conseil chinois pour la Promotion du Commerce a émis, le 2 février2020, le premier certificat justifiant le cas de force majeure dû à l’épidémie du nouveau coronavirus en faveur d’une entreprise manufacturière de Huzhou (province du Zhejiang). Ce certificat vise à exempter l’entreprise de certaines de ses obligations contractuelles qu’elle ne saurait plus assumer en raison de l’épidémie du nouveau coronavirus. Le certificat préserve ainsi les droits légaux de cette entreprise.

Grâce à ce certificat, les entreprises peuvent justifier leurs retards dans la livraison des marchandises, leurs responsabilités découlant de la violation du contrat pourront être entièrement ou partiellement effacées. Ce certificat est d’une priorité pour les entreprises en tant qu’aide juridique”, a expliqué Yan Yun, vice-directrice du centre d’authentification du Conseil chinois pour la Promotion du Commerce.

Très nombreux sont ceux qui à l’heure actuelle, se posent la question du devenir de leur contrat commercial, impacté par l’épidémie du Coronavirus.

Quelles sont les conséquences de l’épidémie sur les contrats en cours, dont l’exécution est affectée par cet évènement ? L’épidémie relève -t-elle de la force majeure ? Ou bien est-ce un cas d’imprévision ? Est-ce que les deux régimes peuvent coexister ?

De nombreux contrats affectés par cette situation sont de fait soumis au droit Français, et le développement de l’épidémie doit conduire à examiner de plus près les clauses d’imprévision et de force majeure dans les contrats.

Rappelons les grands principes en droit Français :

Selon l’article 1218 du Code Civil, « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles  1351 et 1351-1. »

Le cadre juridique est donc bien donné par l’article 1218, mais tout le travail reste à faire !

En effet, la complexité des situations qui relèvent des cas précités, justifie que les parties prennent le soin de rédiger les clauses détaillées, dans lesquelles non seulement les cas admis de force majeure seront reconnus, mais aussi, où le régime de celle-ci sera déterminé, en cas de survenance des faits.

Nous constatons aujourd’hui que ces situations sont loin d’être des hypothèses d’école.

Bien entendu, les parties pourront détailler les cas précis considérés comme relevant de la force majeure dans leurs contrats, mais la technique de la casuistique n’est pas forcément la plus efficace, en cas notamment d’oubli.

La clause pourra également prévoir les modalités de mise en œuvre, et de notification des cas de survenance, voire, d’exiger un certificat (comme ici en Chine) pour attester du caractère de force majeure de l’évènement survenu.

Pour les contrats internationaux, il est très utile de prévoir dans quelle mesure les retraits ou suspension de licences ou d’autorisation, seront assimilés à des cas de force majeure.

La clause de force majeure pourra aussi gérer la période de suspension du contrat, voire l’aménager, et c’est là que pourra se trouver un point de convergence avec la clause liée à l’imprévision.

L’impact de l’épidémie de coronavirus sur l’exécution des contrats via la théorie de l’imprévision.

A ce titre, les parties à un contrat ayant prévu la révision de ce dernier pour imprévision pourront solliciter du juge la résiliation ou la modification du contrat dont l’exécution est devenue « excessivement onéreuse » à cause d’un « changement de circonstances imprévisible ».

Cette atteinte au principe de l’intangibilité du contrat tel que les parties l’ont initialement voulu et conclu, nécessite l’insertion d’une clause prévoyant de soustraire leur contrat au pouvoir judiciaire de révision.

L’imprévision est subordonnée à un changement de circonstances « imprévisible », qui doit rendre l’exécution « excessivement onéreuse » pour une partie, et celle-ci ne doit pas avoir accepté de prendre en charge ce risque. L’épidémie caractérise l’imprévision.

L’article 1195 du Code civil revêt un caractère supplétif, et les parties peuvent parfaitement convenir à l’avance de l’écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l’économie du contrat.

Dans le cadre de la révision du contrat pour imprévision, la partie demandant la révision du contrat, doit continuer à poursuivre l’exécution de ses obligations. Dans l’hypothèse où elle suspendrait la fourniture de sa prestation, elle pourrait engagée sa responsabilité contractuelle. L’exécution du contrat devra en conséquence nécessairement se poursuivre jusqu’à ce que le juge se prononce.

En l’absence de consensus, le juge ne pourra que résilier le contrat.

De même en l’absence de clause prévoyant cette révision, il faudra choisir soit d’engager une procédure aux fins de résiliation du contrat soit invoquer la force majeure.

 

II. Quels impacts sur les relations de travail ?

L’impact de l’épidémie de coronavirus sur l’emploi.

L’activité partielle également dénommée chômage partiel

L’activité partielle est un mécanisme légal qui permet de suspendre le contrat de travail lorsque l’entreprise connaît des difficultés. La loi limite strictement ses cas de recours (article. L. 5122-1 du Code du travail) qui sont au nombre de deux :

–              la fermeture temporaire de l’ établissement ou d’une partie d’établissement auxquels le salarié est affecté ;

–              la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie d’établissement en deçà de la durée légale de travail.

En cas d’épidémie généralisée, c’est certainement le premier de ces cas de figure auxquels les salariés pourraient être confrontés.

Toutefois, pour obtenir le bénéfice de ce régime, encore faut-il que l’employeur consulte son CSE et obtienne l’accord de l’autorité administrative.

Licenciement économique

Le licenciement économique, quant à lui, implique la rupture définitive du contrat de travail. Pour cela, il faut que l’entreprise soit confrontée à une cessation définitive d’activité ou des difficultés économiques caractérisées qui, dans notre cas d’étude, pourraient être constituées par la baisse significative d’un facteur d’activité (baisse du chiffre d’affaires, des commandes ou encore pertes d’exploitation).

L’article L1233-3 du code du travail ne donne pas une liste exhaustive des « motifs économiques », mais il offre de précieux indices sur ce que peut être une « difficulté économique ». Ainsi d’après le législateur l’évolution significative d’au moins un indicateur économique comme une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires permet de procéder à un licenciement économique.

En définitive, les mécanismes de chômage partiel et de licenciement économique peuvent être des solutions légales pour permettre à l’entreprise de faire face à une épidémie globalisée.

 

L’impact de l’épidémie de coronavirus sur les obligations de l’employeur

Il est possible d’identifier plusieurs conséquences d’une épidémie telle que le Coronavirus sur les obligations de l’employeur notamment lorsque le salarié est expatrié, mais également s’agissant de son obligation de sécurité-résultat.

L‘obligation de sécurité-résultat de l’employeur

Dans les situations où le droit du travail français s’applique en cas de détachement par exemple ou encore dans le cas où une épidémie suffisamment grave viendrait à se déclencher sur le territoire français, les employeurs ont des obligations importantes de sécurité envers leurs salariés.

La société disposant de plus de 50 salariés pourrait notamment être alertée par son Comité Economique et Social qui, rappelons-le, dispose des mêmes attributions que l’ex-CHSCT.

L’article L4121-1 du Code du travail énonce ainsi :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

Dans les circonstances d’une grave épidémie, l’employeur peut, sur la base de ces textes, être tenu de prendre diverses mesures protectrices  (par exemple : home office, limitation des déplacements, mises en place d’un protocole d’information, etc.).

En l’état, une telle obligations a d’ailleurs amené certains employeurs à interdire à leurs salariés de voyager en Chine.

La gestion des missions extérieures dans les zones touchés (principalement en Chine)

A l’occasion de cet évènement s’est également très rapidement posée  la question du rapatriement des salariés détachés ou expatriés. La plupart du temps et même en cas de suspension du premier contrat de travail, les conventions de détachement prévoient pour l’employeur une obligation de rapatriement du salarié, et de sa famille, en cas de danger dans le pays de la mission.

A défaut d’écrit, cette obligation  peut trouver son fondement dans l’obligation légale de sécurité-résultat de l’employeur.

En outre, les employeurs faisant face à cette situation seront bien avisés de vérifier auprès de leur assureur si le rapatriement est garanti par la police souscrite. Les conventions de détachement prévoient en effet le plus souvent cette obligation de souscrire à une assurance-rapatriement.