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Newsletter du cabinet Cazeau & Associés – Juillet 2023

Newsletter

Par Philippe Legrez, ancien directeur juridique Michelin

Plaidoyer en faveur du contentieux

La  mauvaise réputation du contentieux :

Reconnaissons-le d’emblée : le contentieux judiciaire, administratif ou autre, n’a généralement pas bonne presse au sein des entreprises. Il est le plus souvent considéré comme aléatoire, pouvant même se retourner contre le demandeur au procès. Par exemple :  par l’effet des demandes reconventionnelles de l’entreprise poursuivie. On peut le juger couteux en frais d’avocats, d’expert etc. Les entreprises mobilisent parfois des équipes afin de bâtir le dossier devant le tribunal. Ces équipes sont chargées de collecter des documents, éléments de preuve et de livrer éventuellement des témoignages oraux et écrits. Autant de tâches chronophages qui les détournent de leurs activités normales. Le procès peut faire l’objet d’une médiatisation embarrassante pour l’entreprise concernée et écorner son image ou sa réputation.

Mais le contentieux n’a pas que des inconvénients !

Malgré les divers arguments défavorables au contentieux, il est possible d’inverser ces derniers. Une bonne connaissance des lois et des jurisprudences permet de minimiser l’aléa. En effet, cela permet de renforcer la solidité juridique du dossier. Contrairement à d’autres pays, tels que les États-Unis ou la Grande-Bretagne, les frais d’un procès sont relativement faibles en France. Les honoraires des avocats, les dépens ou frais de procès atteignent des montants inférieurs à ceux observés à l’étranger. On peut externaliser une partie du travail nécessaire pour constituer le dossier présenté devant les tribunaux en s’adressant à un cabinet d’avocats. Quant à la médiatisation du procès, elle est peu fréquente dans les litiges entre entreprises. Sauf à vouloir la provoquer pour faire connaitre une décision de justice favorable.

 

Dans ces conditions,  pourquoi se priver, en France, de faire un procès aux personnes lésant les intérêts de l’entreprise ?

Quelques exemples illustreront le propos :

  • Est-ce une option d’assigner en paiement le débiteur qui tarde à régler sa dette, ce qui met en péril la trésorerie de l’entreprise créancière ?

 

  • Pourquoi ne pas poursuivre en concurrence déloyale une entreprise dénigrant un concurrent en propageant une fausse rumeur sur ses produits ou ses services, réduisant ainsi ses ventes ?

 

  • Est-ce envisageable de contester devant l’autorité de la concurrence française un projet de prise de contrôle d’une entreprise par une autre, risquant ainsi de créer ou renforcer une position dominante qui pénaliserait les entreprises concurrentes
  • Serait-il pertinent de contester devant les juridictions compétentes un texte réglementaire ou légal ayant pour effet de restreindre les ventes de l’entreprise dans une activité que l’administration ou le parlement souhaite sévèrement réglementer ?

Dans toutes les situations envisagées ci-dessus, empruntées à la vie réelle des entreprises, Il est légitime de se demander si le management de l’entreprise qui s’abstient d’engager un procès pour défendre ses intérêts, ne commettrait pas une faute de gestion ? Les actionnaires auraient-ils alors le droit de critiquer les dirigeants et de réclamer réparation ?

Il ne s’agit pas de transformer les directions d’entreprise en « va-t’en guerre » (bien que certaines adoptent une politique agressive). Cependant, il existe des cas où après l’échec des négociations transactionnelles ou de la médiation l’entreprise n’a d’autre choix que d’engager un procès afin de protéger ses intérêts, dès lors que les conditions de « faisabilité » sont bien réunies.