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Newsletter du cabinet Cazeau & Associés – Février- Mars 2022

Newsletter
Février – Mars 2022

SOMMAIRE

Articles

1. Élections professionnelles et participation des cadres dirigeants

Le Conseil constitutionnel autorise les cadres dirigeants à voter aux élections professionnelles contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation

2. L’influenceur, un statut à définir en droit du travail

Brèves

ARTICLE

Élections professionnelles et participation des cadres dirigeants

Le Conseil constitutionnel autorise les cadres dirigeants à voter aux élections professionnelles contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation

 

En application d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation rendue au visa de l’article L. 2314-18 du Code du travail, les salariés détenant une délégation particulière d’autorité établie par écrit permettant de les assimiler au chef d’entreprise et les salariés qui représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ne pouvaient pas voter aux élections professionnelles.

Le 15 septembre 2021 le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité. La question était de savoir si l’article L. 2314-18 du Code du travail tel qu’interprété par la Cour de cassation était conforme aux règles et principes constitutionnels en ce qu’il prive les salariés susceptibles d’être assimilés à l’employeur de la qualité d’électeur aux élections professionnelles, et donc de toute représentation au comité social et économique.

Par une décision du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a estimé que en « privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique, au seul motif qu’ils disposent d’une […] délégation ou d’un […] pouvoir de représentation, ces dispositions [Ndlr : celles de l’art. L. 2314-18 du Code du travail] portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs ».

Le Conseil en conclut que l’article L. 2314-18 du Code du travail « doit être déclaré contraire à la Constitution ».

Ainsi, les salariés exerçant par délégation des prérogatives patronales, principalement des cadres, recouvrent leur droit de vote.

La décision du Conseil constitutionnel est loin d’être anecdotique. L’affaire à l’occasion de laquelle le Conseil a été saisi concernait le corps électoral de la société Carrefour Market et tout particulièrement l’inscription des directeurs de magasin sur les listes électorales. Pour la CGT les directeurs de magasin représentaient l’employeur devant le Comité social et économique et ils devaient de ce fait être exclus des listes électorales. Au contraire, pour le Syndicat national de l’encadrement du groupe Carrefour CFE-CGC l’application de la jurisprudence de la Cour de cassation conduisait à ce que « près de 30% du collège cadre [soit] exclu du droit de vote », soit 406 salariés cadres.

Afin d’éviter le vide juridique qui découlerait d’une abrogation immédiate des dispositions de l’article L. 2314-18 du Code du travail, le Conseil constitutionnel a reporté au 31 octobre 2022 les effets de sa décision.

Dès lors il revient au législateur de prendre les mesures appropriées pour amender l’article L. 2314-18 du Code du travail avant le 31 octobre 2022.

D’ici là, la question est posée de savoir s’il convient de se conformer à l’ancienne interprétation de l’article L. 2314-18 du Code du travail ou bien s’il convient d’en faire une interprétation conforme à la décision du Conseil constitutionnel.

Il convient de préciser que l’inéligibilité des salariés assimilés à l’employeur demeure en vigueur.

Attention donc dans la préparation des listes électorales lors des prochaines élections des membres du Comité social et économique.

L’influenceur, un statut à définir en droit du travail

L’Autorité de la Régulation Professionnelle de la Publicité définit l’influenceur comme : « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie ».  Les entreprises ne manquent pas de recourir à la personnalité d’un influenceur afin de promouvoir ses produits ou services sur de multiples plateformes telles que Youtube, Instagram, TikTok, Snapchat ou Twitch.

Cependant, en l’absence de statut juridique propre, les relations entre entreprises et influenceurs, notamment en matière de publicité, ne sont pas soumises à un cadre juridique clairement défini de telle sorte que certaines entreprises en oublient leurs obligations.

C’est le cas récemment du géant du fast food, Mcdonald’s contre qui l’UFC QUE CHOISIR a déposé plainte devant le Tribunal judiciaire de Paris pour pratiques commerciales trompeuses.

En effet, Mcdonald’s a mis à disposition de deux jeunes influenceurs des produits et emballages de la marque afin de leur permettre de monter une vidéo youtube dans laquelle les influenceurs jouent à reconstituer le fast food.  Dans cette vidéo marquée par l’omniprésence du logo Macdonald’s, aucune bannière, aucun message n’informent le public qu’il s’agit d’une réclame ou que le contenu contient des placements de produits. C’est pour cette raison que l’UFC QUE CHOISIR dénonce des pratiques commerciales trompeuses.

Au-delà de la problématique en matière de publicité, comprendre le contenu que proposent les influenceurs et le définir juridiquement reste un enjeu majeur notamment sous l’angle du droit du travail.

Dans la vidéo litigieuse, deux mineurs font la promotion du géant du fast food. Dans quelles conditions ont-ils tourné la video ? Comment sont-ils rémunérés et qui perçoit la contrepartie financière générée par ces vidéos ?

En d’autres termes, la qualification du « travail » des influenceurs reste centrale.

L’influenceur doit-il être assimilé à un travailleur indépendant qui prête des services publicitaires à des clients,  ou est-il un salarié qui prête son image à une marque comme un mannequin et dans ce cas être soumis aux règles du Code du travail ?

L’influenceur pourrait être comparé au mannequin tel que défini à l’article L7123-2 du Code du travail indiquant que :

 « Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :

    1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;

    2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image »

Si ce dernier effectue bien une prestation de travail (une prestation d’influence) contre rémunération (versement d’un salaire ou avantage en nature), il est difficile d’établir un lien de subordination juridique. En effet, pour caractériser celui-ci, l’employeur doit exercer sur le salarié un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction. Autrement dit, il doit organiser l’exécution du travail, ce qui n’est pas toujours évident dans la mesure où l’influenceur dispose en général d’une grande indépendance pour choisir les modalités d’exécution de sa prestation et présenter le produit autour de son domaine de prédilection. Aucun contrôle n’est exercé sur les horaires de travail et seule l’obligation prédéfinie de réaliser une prestation d’influence compte.

Néanmoins, le contenu est toujours validé avant publication, de telle sorte que les annonceurs gardent un certain contrôle sur la publicité réalisée.

Il apparait d’autant plus essentiel d’instaurer un cadre de protection spécifique que bon nombre des influenceurs sont mineurs.

L’article L. 4153-1 du code du travail interdit d’employer des mineurs de moins de 16 ans. Néanmoins, il existe quelques dérogations notamment pour l’emploi des enfants dans le secteur du spectacle vivant, des professions ambulantes, de la publicité et de la mode. En effet, les articles R. 7124-1 et suivants du code du travail réglementent la durée, les conditions de travail du mineur ainsi que sa rémunération.

Cependant, la publication de vidéos sur les plateformes ne fait pas l’objet d’une réglementation particulière en termes de protection du mineur, si ce n’est le respect des conditions générales d’utilisation du réseau social. Afin de combler cette lacune, le législateur a adopté, le 19 octobre 2020, la loi no 2020-1266 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. L’objectif est de sensibiliser les parents ainsi que les usagers des plateformes en conciliant la liberté d’expression des mineurs et leur protection, sans pour autant définir leur statut ou déterminer un cadre pour l’accomplissement de la prestation.

A ce jour, en l’absence de statut, l’appréciation de la nature de la relation contractuelle qui lie un annonceur à un influenceur ne peut se faire qu’au cas par cas, suivant la nature des prestations (production d’un contenu vidéo, présence physique à un évènement etc.) et les obligations attachées au contrat.

BRÈVES

Nathalie Cazeau co-anime aux côtés de  Nuria Bové une séance sur la Cybercriminalité organisée par la commission Franco Espagnole du Barreau de Paris, le 9 février 2022.

Nathalie Cazeau interviendra également au séminaire UIA « fashion law », à Barcelone en mars 2022.