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Newsletter du cabinet Cazeau & Associés – Septembre 2019

Newsletter
Septembre 2019

 

SOMMAIRE

  • ArticlePratiques restrictives de concurrence : Réforme du régime de la rupture brutale de la relation commerciale établie
  • BrèveIllustration des pratiques restrictives de concurrence : Condamnation importante d’Amazon en matière de déséquilibre significatif !
  • Articles de presse sélectionnés

 

ARTICLE

Pratiques restrictives de concurrence :
Réforme du régime de la rupture brutale de la relation commerciale établie

 

Le 26 avril 2019 est entrée en vigueur l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 qui est venue refondre le chapitre du Code de commerce portant sur les pratiques restrictives de concurrence.

Parmi ces pratiques restrictives de concurrence apparaît la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Cette réforme est donc l’occasion de revenir sur cette notion qui fait l’objet d’un contentieux nourri et évoque une certaine insécurité juridique.

 

La nécessité d’adapter le régime de la rupture brutale de la relation commerciale établie

Antérieurement à l’ordonnance, l’article L.442-6 du Code de commerce dressait une liste des pratiques interdites car limitant la libre concurrence.

Le 5° de cet article sanctionnait plus précisément le fait :

« De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».

Cette disposition avait été introduite dans le Code de commerce pour lutter contre le déréférencement abusif des fournisseurs par les distributeurs. Toutefois, la jurisprudence a progressivement enrichi le dispositif et l’a étendu à toute relation commerciale dès lors qu’elle était « suivie, stable et continue ».

Dans leur rapport au Président de la République, les rédacteurs de l’ordonnance ont d’ailleurs identifié et dénoncé plusieurs dérives liées à ce régime qu’ils ont entendu palier grâce à une simplification du mécanisme.

D’abord, ils relèvent que la jurisprudence a conduit à rendre impératif, pour les parties, le respect de préavis extrêmement longs pour éviter tout risque de condamnation, même si « leurs offres commerciales ne correspondaient plus aux conditions du marché ».

Ensuite, ce régime aurait finalement eu pour effet, notamment dans un contexte international, de restreindre la concurrence et d’aboutir ainsi à l’absolu contraire de son objectif initial. En effet, la prise en compte du risque de condamnation, impliquant le respect d‘un préavis long et/ou le paiement d’indemnités, aurait conduit les opérateurs économiques à moins « faire jouer » la concurrence. Le rapport indique que les indemnités de préavis étaient même parfois répercutées dans le prix de vente.

En bout de chaîne, c’est bien évidemment le consommateur qui en pâtissait.

Enfin, l’absence de ligne claire sur la durée du préavis minimum et le montant des indemnités incitaient les acteurs à engager des procédures judiciaires plutôt que de transiger, contribuant ainsi à l’engorgement des tribunaux.

Au fil du temps donc, ce régime a fait l’objet de très nombreux contentieux, ce qui a finalement créé la nécessité d’une réforme.

 

Le contenu de la réforme

Dans une logique de simplification, le mécanisme de la rupture brutale des relations commerciales établies fait l’objet du nouvel article L442-1 II dans le Code de commerce.

L’ordonnance est entrée en vigueur le 26 avril 2019. Toutefois, elle ne prévoit aucune disposition transitoire concernant la rupture brutale de la relation commerciale établie. Il faut donc en déduire que ces dernières seront applicables aux contrats conclus à compter de cette date. La question de l’applicabilité au contrat en cours et aux avenants postérieurs au 26 avril 2019 reste en suspens. Dans le doute, il conviendra de se référer à la règle la plus stricte.

Concrètement, les rédacteurs ont d’abord précisé que la prohibition de la rupture brutale s’applique à toute personne pratiquant une activité « de production, de distribution, ou de services ».

Cette précision confirme certes que le champ d’application du régime est extrêmement large. En revanche, cette rédaction rend quasiment impossible de concevoir une activité qui n’entre pas dans ce champ, dès lors que l’on est en présence d’une relation commerciale établie.

Aucune explication sur cette volonté de précision n’est d’ailleurs donnée à ce sujet dans le rapport au Président.

La réforme ajoute également à cet article un alinéa précisant :

« En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois ».

Ici, le but affiché est clair. Il s’agit de restituer une prévisibilité juridique au mécanisme. Toutefois, l’objectif ne semble que partiellement atteint. Elle permet en effet de sécuriser et rendre prévisibles les conséquences d’une rupture pour des relations de très longues durées. Néanmoins le doute persiste pour les relations plus courtes. En effet, dès lors que la durée du préavis sera inférieure à 18 mois, le risque de condamnation devra encore être évalué dans la mesure du possible au regard de la jurisprudence.

Les opérateurs économiques auront donc un choix à faire. Soit, ils préféreront prévenir tout risque de condamnation et respecteront un préavis minimum de 18 mois. Dans ce cas, la conséquence est un retour à l’effet pervers de restriction de la concurrence que les rédacteurs ont pourtant voulu combattre. Soit, ils estimeront que la relation qu’ils comptent rompre ne justifie pas un préavis aussi long et prendront le risque d’une condamnation. Cette seconde hypothèse engendre donc la même insécurité juridique portant sur le caractère « établie » de la relation commerciale et la durée du préavis qui seront laissé à l’appréciation du juge.

Enfin, la réforme a supprimé toute mention des cas particuliers des contrats portant sur la marque du distributeur ou sur la « mise en concurrence par enchère à distance » ; pour lesquels le préavis devait être doublé.

En conclusion, bien qu’un préavis minimum progressif selon la durée de la relation aurait été préférable, il nous semble toutefois que ce schéma opère un équilibre raisonnable entre les intérêts en jeu. La jurisprudence continuera de définir ce qu’est une relation commerciale établie et se chargera de restaurer une sécurité juridique pour les cas de rupture dont les conséquences ne sont pas clairement réglées par le texte.

 

BRÈVE

Illustration des pratiques restrictives de concurrence :
Condamnation importante d’Amazon en matière de déséquilibre significatif !

 

Le 2 septembre 2019, le Tribunal de commerce de Paris a condamné les sociétés AMAZON SERVICES EUROPE et AMAZON France SERVICES à régler une amende civile de 4 millions d’euros pour avoir créé un déséquilibre significatif dans leurs relations contractuelles avec les vendeurs tiers référencés sur la plateforme.

C’est en effet sur la base d’un rapport de la Direction Générale de la Concurrence, la Consommation et la Répression des Fraudes (DGCCRF), et sur le fondement de l’ancien article  L442-6, I, 2° (devenu L442-1, 2°), que le Ministre de l’Economie et des Finances a assigné trois sociétés AMAZON.

Le Tribunal a fait droit, au moins en partie, à la demande du Ministre puisqu’il a qualifié un déséquilibre significatif grâce à un faisceau d’indices.

D’abord, les juges ont relevé que les vendeurs ne négociaient pas les conditions de leurs référencement puisque les conditions générales et les options de vente comme « Expédié par Amazon » leur sont imposées. Ensuite, le Tribunal retient qu’Amazon est leader sur le marché et que surtout sa position est beaucoup plus importante que celles de ses cocontractants. Également, Amazon étant une place de marché incontournable pour le commerce en ligne, les vendeurs tiers ne peuvent espérer rivaliser en passant par d’autres canaux (comme un site de e-commerce propre par exemple).

Une fois cet état de fait décrit, et au regard de celui-ci, le Tribunal a listé les clauses qui créaient un déséquilibre significatif et celles qui étaient conformes.

A titre d’exemple, la clause selon laquelle AMAZON peut modifier le contrat à tout moment sans le notifier au vendeur,  celle de résiliation ou d’interruption immédiate de services sans motifs ou encore celle qui permet à AMAZON de retarder ou suspendre une mise en vente, sont considérées comme déséquilibrées.

Il faut noter que ces clauses ne sont pas nécessairement illicites par nature mais que ce sont leur addition et le contexte contractuel, notamment la position des parties, qui créent le déséquilibre

A l’inverse, le tribunal a validé la licéité d’autres clauses comme celle qui exonère AMAZON de sa responsabilité en cas de panne du site internet ou qui lui permet d’utiliser les données des transactions passées avec les vendeurs.

En définitive, le déséquilibre significatif est le résultat d’une somme de facteurs divers et tout opérateur économique doit s’interroger sur cette notion à la conclusion ou la révision d’un contrat.

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