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Newsletter du cabinet Cazeau & Associés – Juin & Juillet 2019

Newsletter
Juin – Juillet 2019

 

SOMMAIRE

  • ActualitéForfait jours : Trois arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation.
  • BrèveLa CJUE impose aux Etats Membres l’instauration d’un système de suivi du temps de travail journalier obligatoire pour les employeurs !
  • Articles de presse sélectionnés

 

ACTUALITE

Forfait jours :
Trois arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation.

Le 27 mars 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser le régime des conventions de forfait jours par trois arrêts publiés au bulletin.

Il s’agit d’un thème particulièrement important pour tous les employeurs puisque les conséquences de l’annulation d’une convention de forfait peuvent être colossales avec, en premier lieu, le paiement des heures supplémentaires jusqu’à trois années en amont.

Aussi, il est particulièrement important de s’assurer que la convention de forfait est bien applicable au salarié, mais également de soigner la rédaction de la convention de forfait et de suivre correctement son exécution.

Le premier de ces arrêts (pourvoi n°17-31.715) porte sur les conditions d’applicabilité de la convention de forfait jours.

Ensuite, le deuxième arrêt (pourvoi n°17-23.314) tranche la question de la prescription des demandes tendant à contester la validité de la convention de forfait annuel.

Le dernier de ces arrêts (pourvoi n°16-23.800) vient clarifier quant à lui que le régime du temps partiel n’est pas applicable aux forfaits jours réduits.

 

Cass. Soc., 27 mars 2019, n°17-31.715 – Retour sur la notion d’autonomie dans l’organisation du temps de travail

La première affaire concernait un ingénieur du son embauché par EuroDisney en 1999. Celui-ci exerçait en dernier lieu la fonction de « concepteur son événementiel » et bénéficiait du statut de cadre.

Licencié en 2013, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes pour notamment contester la validité de sa clause de forfait jours et réclamer le rappel des heures supplémentaires et congés y afférents.

En pratique le contentieux de la validité des conventions de forfait se polarise entre deux principaux arguments, à savoir l’exclusion du salarié du champ d’application du forfait ou bien l’absence de mise en place des garanties légales et conventionnelles permettant un suivi satisfaisant de l’exécution de la convention.

En l’espèce, c’est le premier de ces arguments qui a emporté l’adhésion de la Chambre sociale. Cette dernière a donc validé le raisonnement de la Cour d’appel aboutissant à l’anéantissement du forfait et a ainsi rejeté le pourvoi de la société.

En effet, la Cour a relevé que :

  • les conceptions audio des événements dont il avait la charge étaient en réalité traitées en amont par les commerciaux,
  • qu’il n’était chargé que de la mise en œuvre technique des aspects audio, qu’il avait systématiquement un responsable sur place,
  • que la durée de son travail était prédéterminée,
  • que des plannings étaient mis en place comportant les jours et tranches horaires dans lesquels il devait effectuer ses opérations.

En définitive donc, un faisceau d’indices a permis au juge d’établir que le salarié, bien que cadre, n’était pas autonome dans l’organisation de son temps de travail et ne pouvait donc se voir appliquer une convention de forfait.

Cette décision est en fait une simple application des dispositions légales de l’article L.212-15-3 du Code du travail devenu aujourd’hui L.3121-58.

Bien que la rédaction ait changé depuis la réforme de 2016, la notion centrale qui permet d’apprécier la validité de la convention de forfait reste la même : l’autonomie dans l’organisation de son temps de travail.

Plus curieusement, cet arrêt est également notable puisqu’il a confirmé la décision de la Cour d’appel de retirer des débats certains tickets de cantine qui « comportaient des indications détaillées concernant les habitudes alimentaires du salarié » au motif que ce degré de détail contrevenait aux normes de la CNIL protégeant les données personnelles des salariés.

 

Cass. Soc., 27 mars 2019, n°17-23.314 – Prescription de l’action sur les conséquences que l’insuffisance d’une convention forfait jours

Dans cette deuxième affaire, l’employeur avait opposé la prescription de l’action en nullité de la convention de forfait. Selon lui, la contestation de la validité de la convention devait suivre le régime de prescription du premier alinéa de l’article L.1471-1 du Code de travail qui énonce :

« Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».

Dans cette logique, l’action était de toutes façons prescrite puisque, soit le fondement était la non-conformité de l’accord collectif, auquel cas le point de départ était la signature de la convention, soit l’invalidité provenait d’une mauvaise application de l’accord collectif, et dans ce cas, le point de départ devait être le jour de la connaissance, par le salarié, de la cause d’invalidité.

Toutefois, la Cour de cassation a pris le contrepied de cette argumentation en affirmant que la validité de la convention de forfait annuel en jours peut être contestée tant que la demande de rappel des heures supplémentaires n’est pas prescrite.

C’est donc une prescription triennale qui s’applique en ce cas.

En effet, lorsqu’un salarié demande au juge d’invalider l’une de ces conventions, c’est en réalité pour obtenir le paiement de ses heures supplémentaires. Dans ce cadre, la non-conformité du forfait devient une demande incidente à la demande principale de rappel de salaire. C’est donc la prescription de cette dernière action qu’il convient de suivre.

La décision inverse aurait conduit à laisser produire indument les effets d’une convention de forfait jours invalide tout au long de la vie du contrat.

La Cour de cassation a donc tranché la question de manière pragmatique. Dans ce cas toutefois, le contrat avait été rompu, si bien que reste la question du point de départ de cette prescription lorsque le contrat est toujours en cours. En effet, en l’absence de rupture du contrat, le point de départ des prescriptions biennales et triennales est le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaitre le fait lui permettant d’exercer son droit. Or, dans le cas d’espèce, l’on pourrait considérer que le jour de la connaissance de l’invalidité de la convention est celui de sa signature. La question reste donc en suspens.

Cass. Soc., 27 mars 2019, n°16-23.800 – Le forfait jours de moins de 218 jours n’est pas un temps partiel

Dans ce troisième et dernier arrêt, la Chambre sociale précise que le forfait jours réduit n’est pas un temps partiel.

La Deuxième Chambre civile avait déjà eu l’occasion de se prononcer en ce sens à l’occasion de litiges sur l’application de certains plafonds de cotisations sociales.

Cette fois-ci, le salarié souhaitait se voir appliquer le régime du temps partiel afin de pouvoir demander la requalification du contrat en temps plein pour obtenir notamment des rappels de salaires.

La Cour rejette catégoriquement cette demande au visa de l’article L.3123-1 du Code du travail en affirmant que « les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année dont le nombre est inférieur à 218 jours, ne peuvent être considérés comme salariés à temps partiel ». Pourtant en l’espèce, les parties avaient depuis le début indiqué sur le contrat et les avenants qu’il s’agissait d’un temps partiel.

Cette solution est logique dès lors que par essence le forfait jours exclut toute référence horaire et donc toute une série de dispositions légales encadrant la durée du travail horaire.

Dans cette même logique, si une convention de forfait jours réduit venait à être anéantie, le contrat serait considéré comme étant à temps plein, sauf à ce que celui-ci réponde aux conditions de formalisme du temps partiel ; ce qui n’est manifestement pas compatible avec la rédaction d’une convention de forfait en premier lieu.

 

BRÈVE

La CJUE impose aux Etats Membres l’instauration un système de suivi du temps de travail journalier obligatoire pour les employeurs !

Dans un arrêt du 14 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne a analysé la conformité du droit espagnol à la Charte des droits fondamentaux de l’UE et à la directive dite « temps de travail » de 2003.

Le juge européen a profité de l’occasion pour affirmer que « les Etats membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ».

La Cour indique que l’instauration d’un système de contrôle des heures est absolument indispensable au respect du droits des travailleurs et rattache également ce système à l’obligation générale de protéger la sécurité et la santé des travailleurs issue de la directive 89/391/CEE.

Il convient également de préciser que la CJUE relève que : « la détermination objective et fiable du nombre d’heures de travail quotidien et hebdomadaire est essentielle pour établir, d’une part, si la durée maximale hebdomadaire de travail définie à l’article 6 de la directive 2003/88 [.] et, d’autre part, si les périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire, définies respectivement aux articles 3 et 5 de ladite directive, ont été respectées ».

A la lecture d’une telle affirmation, il est possible de se demander si une telle décision pourrait avoir un impact sur les travailleurs qui bénéficient d’une convention de forfait. Toutefois la rédaction de l’arrêt vise clairement l’article 6 de la directive de 2003 qui prévoit justement l’exception des forfaits jours. Les salariés en forfait jours ne seront donc pas obligés de « pointer ». Il convient cependant de rappeler que malgré cette exception, les salariés en forfait sont tenus au respect des dispositions sur les repos quotidien et hebdomadaire, qui font d’ailleurs l’objet d’un contentieux fourni.

Les Etats membres sont donc tenus d’imposer l’obligation pour les employeurs d’instaurer un système de contrôle du temps de travail quotidien. En définitive, la CJUE impose le retour de la « pointeuse ». Les modalités concrète du système de contrôle sont toutefois laissées à l’appréciation des Etats Membres.

L’Espagne a d’ailleurs anticipé la décision de la CJUE et a imposé aux employeurs dès la première quinzaine de mai la tenue d’un « registre de la journée » de travail. Ainsi, les salariés doivent pointer en début et en fin de journée (voir notre revue de presse sur ce sujet).

 

 

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